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jeudi 4 octobre 2018

A coeurs battants - aujourd'hui, c'est sortie!






Foulard humide plaqué sur le visage, capuche rabattue sur la tête, Harley tente de rattraper sa sœur et JB, manteau gris et manteau cobalt qui filent à toute allure, droit devant eux. Il s’est arrêté, une minute, pour ranger dans son sac le bel objectif de son appareil-photo, bien trop fragile pour supporter la mêlée.
Il aurait dû réfléchir trente secondes. Le temps perdu a suffi à les séparer.
En dépit du voile mouillé qui le protège, les gaz irritent sa gorge, lancent ses muqueuses et des larmes coulent abondamment de ses yeux. Quelqu’un le bouscule. Il perd l’équilibre, se rattrape de justesse bras tendus comme un aveugle, relève la tête : sa demi-sœur et leur ami ont définitivement disparu, avalés par le brouillard et la cohue.
— Et merde, souffle-t-il.
Son dépit est bref : sans eux, l’adolescent peut aussi prendre le temps de réaliser quelques prises, sur le vif, de cette manifestation métamorphosée en champ de bataille. Si ses images parviennent à exprimer la confusion, la peur, l’exaltation, la violence et la rage ambiantes, ses profs seront peut-être impressionnés par son travail de terrain ! Une silhouette anonyme et noire se détache de la masse affolée, une grenade fumigène à la main. Vite ! Il ne dispose que de quelques secondes pour saisir l’instant. Instinct, ses mains s’emparent de son Reflex, son appareil devient le prolongement de son œil – clic ! Une première photo. Clic ! Une autre. Déjà, l’inconnu s’efface, vision fantomatique qui s’évapore dans la brume couleur de cendres.
Autour de lui, c’est la panique. Les hurlements, les sirènes, le martèlement de milliers de pas, les tirs répétés d’armes anti-émeute et d’armes lacrymogènes. Un peu étourdi, il s’accroche à la tache rose vif qui louvoie à quelques mètres devant lui. Guidé par la couleur, Harley accélère, s’efforce de ne pas perdre sa trace – peine perdue. Désorienté, il se laisse porter par le flot humain, tente d’effectuer quelques clichés, renonce rapidement. Des rugissements de rage, le tonnerre d’un assaut, le fracas d’une grenade, trop proche – et la douleur qui le plie en deux. Souffle coupé, il tombe à genoux sur le pavement souillé. Des étoiles dansent devant son visage. Il examine son ventre : rien. Quant à son précieux Reflex, il n’a pas été touché.
À quelques mètres de lui, une forme recroquevillée gémit doucement. Harley se précipite, pose la main sur l’épaule du blessé. Celui-ci tourne la tête vers lui. Il est âgé d’une vingtaine d’années, peut-être. Il possède des traits fins, d’immenses yeux bleus, rougis par les larmes et les fumées. Le cœur de Harley manque un battement. Il a le sentiment d’avoir trouvé un ange au milieu de cet enfer policier.
— Tu peux te lever ?
— Je… Je crois répond l’inconnu. C’est juste que… Entre les grenades et les tirs, j’ai du mal à respirer.
Sans réfléchir, l’adolescent ôte son foulard et le noue autour de son visage.
— J’ai des gouttes pour les yeux, aussi, propose-t-il.
— Ça ira, merci.
Haley l’aide à se remettre sur ses pieds, glisse son bras sous son épaule.
— Je m’appelle Louis. Et toi ?
— Harley.
— Les revoilà ! On court ?
Ils s’élancent, collés l’un à l’autre pour se soutenir, parce qu’ils se sentent plus forts ainsi. Ils réussissent à esquiver une unité : en armures luisantes, caqués, matraques en main, les CRS passent à trois mètres d’eux. Plus loin, des manifestants révoltés tentent de forcer un barrage de boucliers pour fuir l’immense place en proie au chaos.
Ils s’arrêtent, tentent de reprendre leur souffle. Impulsion, Harley allume son appareil-photo, cadre le visage angélique de son compagnon, appuie. Et encore. Et encore.
— Tu aurais pu me demander ! s’exclame celui-ci.
— Tu veux les voir ? 

— Plus tard ! Là, il va falloir qu’on trouve une solution, et vite, étant donné que toutes les issues sont bloquées, siffle Louis...
 

Voilà. C'est Harley ! Séparé de sa demi-sœur et de son meilleur ami, il tente de quitter la place de la république, transformée en enfer par les affrontements et les lacrymos.



#acoeursbattants #onvautmieuxqueça

1 commentaire:

  1. tiens le retour des dolls :)

    nb : sinon je suis en pleine lecture et c'est génial !

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