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mercredi 25 décembre 2013

Equitation et sentiments

Non, ce n'est ni une romance ni un pastiche de Jane Austen.
Ce sont quasiment les premiers mots des deux livres de Nicolas Blondeau : Équitation éthologique et Le Débourrage...  Et ça fait du bien. Je n'ai pas encore tout lu(j'en suis aux trois-quart des deux), mais je trouve ces ouvrages à la fois intelligents, pédagogiques et "questionnants" (oui, c'est un néologisme). Parce qu'ils permettent à la fois de confirmer des choses que l'on sent, que l'on fait instinctivement et de se remettre en question, de s'interroger sur son rapport au cheval et à l'équitation, et d'une certaine façon, de se "débourrer soi-même" ou de se "remettre en confiance" avant d'aborder le cheval. Je ne sais pas si vous êtes, lectrices et lecteurs cavaliers, des traumatisés du cheval, mais moi, si. Je me souviens d'une époque où j'avais une grosse boule dans l'estomac en arrivant dans les centres équestres où je montais. 
Pas quand j'étais gamine, à cru et à Shetland, non. Mais plus tard.
Quand il a fallu supporter des profs qui gueulaient ou braillaient, nous appelaient par le nom de notre cheval avec un "sur", histoire de différencier cavalier/ère du pauvre animal blasé dans lequel on rentrait dedans à coups de talons. "Sur Jupiter, des talons! Il est mou... Des talons, putain! il se fout de toi, là!" (je reste très édulcorée)... N'en déplaise à cette prof, Jupiter ne se moquait pas , il était indifférent,  lobotomisé. Et ça, c'était sur le plat. 
Ah, les joies des obstacles bien flippants sur lesquels on nous lançait sans autre ordre que "redresse-toi!" "réagis!" "si tu ne veux pas passer, tu descends, tu n'as rien à faire dans mon cours!". 
Et ce, sans compter le vieil adage expliquant qu'un "bon cavalier doit savoir monter n'importe quel cheval", mis en application au pied de la lettre, sans tenir compte ni de l'état ni du niveau du cavalier en question - en l'occurrence de la cavalière. Je me rappelle une séance cauchemardesque dans une sorte de grand rond de longe couvert, en stage, avec des poneys que l'on devait débourrer. Enfin, avec le recul, je comprends que c'était ça... Trois poulains hystériques, des gamins qui n'en menaient pas large et une folle qui hurlait au milieu.


Dîn, 10 mois. Photo : Paule Frizon.
Ah, oui... Ces mêmes profs, hommes ou femmes, vous expliquent que les chevaux "sont cons" (en même temps, qui ne le deviendrait pas, à tourner en rond et se faire tirer sur la bouche tous les jours), qu'il ne faut pas faire "trop de sentiment", qu'il faut leur montrer "qui c'est le chef", qui "commande".
Je me rends compte, avec le recul, qu'on m'a enseigné l'équitation comme les maths : en me demandant d'appliquer des théorèmes auxquels je ne comprenais rien, sans jamais donner aucune explication et avec beaucoup de zéros pointés. Au bac, j'ai eu 5, en maths. Sans ce truc qui vibre en moi dès que je vois un cheval, j'aurais laissé tomber.
Et puis, il y a eu les randonnées, le Maroc, Keyrann... Apprendre à ne plus avoir peur - avec lui du moins - parce que c'est mon cheval, ma responsabilité ("et si tu renonces parce qu'il se cabre, cocotte, vous êtes foutus lui et toi"..; me disait ma petite voix intérieure.) Apprendre à monter autrement un peu sur le tas, un peu parce que les gens avaient confiance en moi. 
Tâtonner. Avec des sentiments, avec de l'amour. Avec moins de peur et plus de confiance. Jouer des partitions en essayant de se rappeler le solfège et quand ça ne vient pas, y aller à l'instinct. Nicolas Blondeau écrit qu'il ne faut pas laisser des rênes longues à un (jeune) cheval, qu'il ne faut pas qu'il se sente seul, désorienté, hésitant. Or, s'il y a bien un truc que j'ai fait avec Keyrann, c'est ça. D'accord, j'étais là, avec lui, à parler, chanter (oui, je sais...) tout ça, mais le nombre de fois où je m'en suis remise aveuglément à lui... Les raisons ? Perdue en pleine montagne avec mon cher et tendre malade juste derrière moi (un raccourci indiqué qui n'en était pas, une route inondée...), un gros vertige, perdue (encore), peur de l'orage en rase-motte (moi, pas lui), etc. Keyrann, j'ai de la chance, est un cheval qui assume - grincheux et psychorigide avec l'âge, certes, mais un roc. Avec d'autres, cela aurait peut-être été une catastrophe...
Keyrann et le pied d'Amin, décembre 2013. Photo : Paule Frizon
Bref. je digresse, je raconte ma vie... et j'en reviens au sujet principal. L'équitation sentimentale que développe Nicolas Blondeau. L'apprentissage de la confiance en soi, l'acception de ses propres limites et la reconnaissance de ses peurs avant d'approcher le cheval et de lui imposer, en vrac, ses propres incertitudes, trouilles, envies, contradictions.
Par amour ?

Assarab et l'horizon. Photo : Paule Frizon.
Depuis quelques années, je réapprends mon solfège (oui, je préfère cette métaphore aux mathématiques, décidément trop... mathématiques). Grâce à des chevaux. Et aussi, grâce à des personnes qui montent et enseignent avec du cœur et des sentiments. Je pense aujourd'hui à Salah, du Ranch Aïn Soltane qui sait exactement quand proposer tel cheval à tel cavalier et comment donner confiance, à la fois aux humains et aux chevaux(pour anecdote, il y a presque exactement deux ans, pour mon anniversaire, Salah m'a fait monter pour la première fois Assarab. OK, j'adorais ce cheval. Mais un PSA, de course... et aujourd'hui, je l'ai acheté.). Et à Véronique, de La Houssine, qui sait transmettre,donner envie de progresser... et d'essayer.
La preuve ? 

Inoui du Vcard et moi, avec la tenue des Amazones de France et le carré Hermès! Photo : Véronique Chérubin Venancio.
Je termine ce dernier billet de l'année 2013 avec un bref retour sur l'équitaxe. J'en ai parlé dans deux précédents articles de blog : ici et . Des manifestations ont eu lieu à échelle européenne lundi. Elles vont, je l'espère, se poursuivre, en France et en Europe. Savez-vous que les envois de cartes et lettres à l'Elysée sont gratuits ? Moi, pour le Nouvel An, je vais envoyer une carte là-bas. Une carte avec un court slogan :

LGBT friendly
Equitaxe contrary
L'équitaxe, c'est la fermeture de 2000 centres équestres, 6000 chômeurs et 80 000 chevaux à l'abattoir 

Je vous encourage, de votre côté, à protester en envoyant des cartes postales à l'Elysée  - les slogans, il y en a plein, il suffit de piocher dans ceux des manifestants... (j'aime bien "liberté-équidés-fraternité")...

jeudi 12 décembre 2013

Tribune : Lacenaire... "Chalutage profond – pourquoi j’exige la démission de ministres et d’eurodéputés"

Vous le savez, de temps en temps, je transforme ce blog en tribune. Voici, celle, énervée à juste titre et argumentée, de Thomas Hervet, alias Lacenaire, ami, écrivain...  

Son titre aura le mérite de poser l’objectif de ce billet : en qualité de citoyen de France,  d’Europe et du Monde, j’exige la démission des ministres de l’écologie, du travail et de l’emploi, de l’agriculture et de l’agroalimentaire, du délégué aux affaires européennes, du délégué à l’économie sociale et solidaire, du délégué au développement, du délégué  aux transports et à l’économie maritime et de l’ensemble des eurodéputés Français qui ont voté contre l’amendement du 10 Décembre 2013.

Amendement qui, pour mémoire, avait pour objet d’interdire dans les eaux européennes le chalutage profond, méthode de pêche agressive, destructrice et contre-productive portée par les lobbys industriels (groupe Mousquetaire, pour n’en citer qu’un) qui en tirent des subventions à hauteur de 10 M€ par an.

Toujours en guise de rappel, les méfaits de cette méthode industrielle ont été documentés et prouvés ; son abandon aurait eu pour effet, entre autres bénéfices, de créer des emplois et d’alléger les politiques de subvention européennes et – qui sait – peut-être d’employer cet argent à des fins plus humaines. Là aussi, il s’agit de faits étayés.

Que les lobbys soient parvenus à bloquer ce texte de loi prouve plusieurs choses.
Primo les élus, les délégués et les ministres qui ont agis en sa défaveur ne sont pas républicains, dans le sens ou Res Publica, la chose commune, le domaine commun a été bafoué. 750.000 personnes ont signé une pétition en faveur de ce texte parlementaire. Des citoyennes et des citoyens ont exigé que leurs élus, leurs représentants votent en ce sens. N’en n’ayant pas tenus compte, ces « décideurs » se sont désolidarisés de la République.
Secundo, préférant des résultats immédiats (en échange, sait-on jamais, de contreparties de la part des lobbys ?), au détriment des systèmes écologiques maritimes, ces « décideurs » et élus se sont doublement exclus de la chose publique. Les fonds marins sont la responsabilité de chacun et en ce sens il n’appartient pas à un groupe d’industriels d’influencer les choix des députés et il est du devoir de ceux-ci de dénoncer ces groupes de pression. Ne prenant pas la défense de ce patrimoine, ils en donnent l’exclusivité à des groupes financiers qui s’estiment hors  du domaine public (et ça n’est pas l’adresse de leurs sièges sociaux qui dira le contraire).
Tertio, ce vote prouve, noir sur blanc et dur comme fer, que les gouvernements autoritaristes, notamment les deux gouvernements précédents de France, sont en grande partie constitués de carriéristes qui entretiennent des liens étroits avec les lobbys et les grands groupes financiers. Comment sinon expliquer que les mêmes entités aient pu influencer à ce point un vote à portée cruciale et humaine ? En ce sens encore une fois ils se sont désolidarisés de la République. En cela ils ne sont plus aptes à gouverner.
Pour finir, la preuve est une fois de plus faite que l’UMP au même titre que l’actuel gouvernement « socialiste » qui se veut de gauche et qui avance masqué n’ont pour objectif que le bien-être et le bénéfice de leurs membres et amis. La pléthore de lois électorales, lois que je qualifie de scélérates et abusives, en témoigne également.
Nous en sommes réduits à pétitionner tandis que la distribution de postes et de titres se poursuit depuis des décennies.
Il suffit.
Sous couvert de socialisme, c’est une économie de marché et ses dirigeants que servent nos élus et gouvernants ; ceux-là qui estiment que toute denrée terrestre est monnayable, éligible pour produire des bénéfices et des profits. Ceux-là mêmes qui accélèrent la destruction du globe et de sa surface. Celles et ceux qui influencent les élus qui bénéficient ou ont bénéficié de nos votes.
Il n’est pas question de verser dans le populisme, façon FN, mais bel et bien, à notre échelle, de marquer à la fois notre désarroi et nos plus hautes aspirations. Nous refusons que se poursuive cette valse des décisions d’abord financières, à portée destructrice, pour repenser notre rapport au monde, aux autres et à soi dans une optique de conservation d’un patrimoine que nous partageons avec le règne animal : la Terre.

Et pour cela, nul besoin de politiciens qui travaillent avant toute chose à leur carrière.
Je le répète donc : démissions pour les gens cités en introduction.

Thomas Hervet, alias « Lacenaire » ou « Lace ’Colère »

lundi 9 décembre 2013

Monsieur le Président

Je n'avais pas l'intention d'écrire une lettre ouverte, au début. Ni une lettre tout court. Mais les événements des dernières semaines, et votre réaction quant à l'équitaxe, m'ont décidée. Monsieur le président, je suis une femme de gauche. De vraie gauche. Je suis aussi une femme engagée : je suis descendue dans la rue pour soutenir le mariage pour tous, je signe régulièrement des pétitions pour protester contre l'expulsion de personnes sans papiers et les livres que j'écris ne sont jamais neutres... Jamais. C'est ma façon de militer. Pour une réelle égalité homme-femmes. Pour le mariage pour tous, la PMA et l'adoption par des couples gays et lesbiens. Pour le respect de l'autre, qu'il soit parisien du 12ème ou manouche. Pour la préservation de l'environnement, et contre la souffrance animale - dans le programme, d'ailleurs, de Jean-Luc Mélenchon. 
Je vous écris aujourd'hui, parce que je suis choquée par les assimilations que vous faites, parce que je trouve paradoxal de comparer les manifestations contre l'équitaxe, qui risquent de mettre plus de 6000 personnes au chômage, et de mener 80 000 équidés à l'abattoir, et les "manifs pour tous", qui sont le fait d'une frange odieuse de la population appelant à la discrimination et à la haine de l'autre (n'y a-t-il pas une loi, contre cela ? Ah, si... juste ici... et je ne comprends pas pourquoi ces individus n'ont pas été plus inquiétés que cela). Cette même frange odieuse de la population, d'ailleurs, qui traite l'une de vos ministres de "guenon" en utilisant une petite fille pour proférer ces horreurs racistes, sans qu'il y ait de réaction ferme et immédiate de votre part pour sanctionner ces propos et soutenir la Garde des Sceaux...
Voyez-vous, monsieur le Président, les centres équestres permettent à des centaines de milliers d'enfants et d'adultes de s'épanouir au contact d'un animal merveilleux, de pratiquer un sport qui allie la dépense physique, le partage, l'émotion, la découverte de soi et de l'autre. A travers les chevaux, à travers les différentes activités qu'ils proposent, les randonnées, par exemple, les centres équestres font le lien avec la nature - une nature souvent éloignée lorsqu'on est citadin. Le contact avec les chevaux donne la possibilité aux plus introvertis de s'épanouir,  d'oser aller vers l'autre, équin comme humain et exige de tous patience et humilité. L'équithérapie, elle, permet aux personnes en situation de handicap, physique ou mental, de se sentir mieux, d'aller vers le monde, de progresser... 
L'équitation, c'est une ouverture sur le monde, c'est un sport qui va vers la vie. Je suis sûre que si vous preniez la peine  de visiter des centres équestres, vous le comprendriez. Et vous comprendriez qu'en nous comparant à ces extrémistes, vous nous insultez doublement. 
Monsieur le président, comme je l'écrivais tout au début de cette lettre, je suis une femme de gauche - et vous n'étiez pas mon candidat. J'ai décidé de voter pour vous, au second tour, parce que je ne voulais pas d'un autre quinquennat de droite décomplexée, injuste, raciste et veule. J'ai décidé de voter pour vous, au second tour, parce que j'avais lu votre programme, et que vous y aviez finalement intégré  des valeurs dans lesquelles je pouvais me reconnaître. Des valeurs réellement socialistes - humanisme, culture, éducation, égalité. Des valeurs dont je ne retrouve presque aucune trace dans votre politique, en dehors la loi sur le mariage pour tous, qui reste cependant trop timide (quid du statut des transgenres, de l'adoption, de la PAM ?).
 En revanche, je retrouve dans votre politique actuelle de nombreuses similitudes avec celle de votre prédécesseur : indifférence envers l'environnement, vision économique à court terme, avec taxes croissantes et actionnaires toujours plus puissants, chasse aux pauvres et aux minorités, stigmatisation et traque des Roms, malgré les avertissements de Bruxelles, malgré les protestations de la ligue des Droits de l'homme, réduction du budget de la culture, augmentation de la TVA pour les écrivains (c'est vrai que nous sommes riches, nous autres auteurs... et si nous manifestions, serions-nous aussi assimilés à la "manif pour tous" ?), et j'en passe. 
Votre politique, monsieur le Président, n'est pas différente de celle de Nicolas Sarkozy.
A cause de cela, je sais que des milliers d'électeurs "déçus du sarkozysme",  ne voteront plus socialiste, puisqu'ils assimilent ce que vous faites depuis votre élection à une politique "de gauche", ouvrant grand la porte à l'UMP et à l'extrême-droite.
Alors, monsieur le Président, je sais que vous n'êtes pas à un paradoxe près, mais quand vous nous renvoyez dos à dos avec Frigide Barjot et ses amis, alors que vous les tolérez, alors que votre politique est bien plus proche de celle qu'ils plébiscitent que de celle que les vrais gens de gauche souhaitent, j'ai à la fois envie de rire et de hurler.
Monsieur le président, je ne vous salue pas. Vous m'en excuserez : il faut que j'aille manifester. 

Charlotte Bousquet
Auteure et cavalière, féministe et LGBT friendly.