Médiapart a publié aujourd'hui la preuve du financement de la campagne 2007 de Sarkozy par Kadhafi, feu son ex meilleur ami, pire ennemi mais ça dépend des jours. Bref, impliqués dans l'affaire : Hortefeux et Takkiedine.
Voici le début de l'article de Médiapart :
Voici le début de l'article de Médiapart :
Le régime de Mouammar Kadhafi a bien décidé de financer la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Mediapart a retrouvé un document officiel libyen qui le prouve. Cette note issue des archives des services secrets a été rédigée il y a plus de cinq ans. L’en-tête et le blason vert de la Jamahiriya préimprimés s’effacent d’ailleurs légèrement. Ce document, avec d’autres, a échappé aux destructions de l’offensive militaire occidentale. D’anciens hauts responsables du pays, aujourd’hui dans la clandestinité, ont accepté de le communiquer à Mediapart ces tout derniers jours.
Dès 2006, le régime libyen avait choisi « d’appuyer la campagne électorale» de Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2007, et ce pour un « montant de cinquante millions d’euros » : c’est ce qu’indique en toutes lettres cette note datée du 10 décembre 2006, signée par Moussa Koussa, l’ancien chef des services de renseignements extérieurs de la Libye.
Un accord « sur le montant et les modes de versement » aurait été validé quelques mois plus tôt par Brice Hortefeux, alors ministre délégué aux collectivités locales, en présence de l’homme d’affaires Ziad Takieddine, qui a introduit dès 2005 en Libye les proches du ministre de l’intérieur, notamment Claude Guéant, et Nicolas Sarkozy lui-même. Le directeur de cabinet de Mouammar Kadhafi, Bachir Saleh, alors à la tête du Libyan African Portfolio (LAP, soit l'un des fonds d'investissement financier du régime libyen), aurait de son côté été chargé de superviser les paiements.
« Mon client n'était pas présent à la réunion indiquée dans le document, nous a indiqué Me Samia Maktouf, l’avocate de M. Takieddine. En revanche, il pense que ce document est crédible, vu la date et les personnes qui apparaissent dans ce document outre lui-même. »
« Ce document prouve qu'on est en présence d'une affaire d'Etat, que ces 50 millions d'euros aient été versés ou non, a lui-même commenté M. Takieddine, rencontré par Mediapart vendredi 27 avril. L'enquête sera difficile parce que beaucoup d'intervenants sont morts pendant la guerre en Libye, mais c'est déjà important de rendre public ce document. » Cette réponse de Ziad Takieddine – malgré son hostilité exprimée de multiples fois à notre égard – est celle d’un acteur clé de la lune de miel franco-libyenne, qui a secrètement conseillé Claude Guéant jusqu’à la veille de la guerre, comme en attestent de nombreuses notes publiées par Mediapart.
L’une d’entre elles, rédigée le 6 septembre 2005 par Ziad Takieddine et adressée à Claude Guéant, affirmait ainsi que certains pourparlers franco-libyens devaient « revêtir un caractère secret ». « L’autre avantage : plus d'aise pour évoquer l'autre sujet important, de la manière la plus directe...», précisait le document, mystérieusement.
L’élément nouveau que nous publions aujourd’hui vient désormais confirmer les accusations portées par les principaux dirigeants libyens eux-mêmes peu avant le déclenchement de la guerre sous l'impulsion de la France, en mars 2011. Mouammar Kadhafi, son fils Saïf al-Islam et un ancien chef des services secrets, Abdallah Senoussi, avaient en effet tous trois affirmé publiquement détenir des preuves d'un financement occulte du président français. La découverte de la note de M. Koussa exige désormais que s’engagent des investigations officielles – qu’elles soient judiciaires, policières ou parlementaires – sur cet épisode sombre et occulte des relations franco-libyennes.
L'intégralité de l'article comme le document prouvant le financement et sa traduction sont pour le moment visibles sur le site de Médiapart. : en cliquant sur ce lien.Pour ma part, je souhaite qu'il soit relayé le plus largement possible et espère que les journaux relaieront cette information avant le deuxième tour.
Et le début de l'éditorial d'Edwy Plenel, ce matin :
RépondreSupprimer« Diversion » (Nathalie Kosciusko-Morizet), « officine » (François Fillon), « infamie » (Nicolas Sarkozy) : le sarkozysme n’aime décidément pas l’indépendance des médias et le démontre encore une fois par ses réactions à nos nouvelles révélations sur ses secrets libyens. Comme en 2010 dans l’affaire Bettencourt, le pouvoir en place préfère insulter les journalistes dont les informations le dérangent plutôt que de répondre aux questions légitimes qu’elles posent. Mediapart ne retire rien de ses révélations, aussi légitimes que fiables. Mise au point en forme de rappel des principes démocratiques, alors que Nicolas Sarkozy annonce une plainte contre Mediapart (lire en bas de cette page, dans la Boîte noire de l'article, son actualisation lundi 30 avril au matin).
La liberté de l’information fait partie des droits fondamentaux. Ce n’est pas un privilège des journalistes, mais un droit des citoyens : le droit de savoir tout ce qui est d’intérêt public afin de pouvoir se forger son opinion en toute liberté. Depuis la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et son article 19, ce droit fondamental inclut celui « de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations par quelque moyen d’expression que ce soit ». De plus, il suppose le pluralisme des médias, principe dont la valeur constitutionnelle est reconnue, ainsi que l’indépendance des journalistes, garantie par leur statut professionnel.
Les gouvernants des pays démocratiques sont supposés respecter ces principes dont, dans l’idéal, ils devraient être les premiers gardiens et les fidèles serviteurs. S’ils les bafouent, ce ne sont pas les journalistes qu’ils humilient mais la démocratie elle-même qu’ils méprisent. Ce simple rappel suffit à souligner l’absence de culture démocratique dont témoignent les réactions du pouvoir exécutif à nos nouvelles informations sur les secrets libyens de cette présidence finissante. Car accepter la liberté de la presse, c’est répondre aux questions des journalistes, et non pas insulter, discréditer et calomnier les journaux qui les posent.
La suite, sur Médiapart... qui n'a rien d'une officine.
Et un morceau de la boîte noire de Médiapart :
RépondreSupprimerActualisation, lundi 30 avril 2012 au matin : depuis la mise en ligne de cet article, dans la soirée du dimanche 29 avril, deux événements prévisibles sont intervenus.
D'une part, l'ex-chef des services de renseignement extérieur libyen et signataire du document que nous avons révélé, Moussa Koussa a déclaré à l'AFP : « Toutes ces histoires sont falsifiées. Il est clair que tout ce qui se dit est sans fondement. La question ne mérite pas que l'on s'y arrête. » Comme Bachir Saleh, le destinataire de la note, M. Koussa est protégé par la France (qui a aidé à son exfiltration de Libye) et par le Qatar (où il vit tranquillement après un passage par Londres), soit les deux pays qui ont emmené la coalition dans la guerre en 2011.
Or, comme l'ont raconté nos confrères de la BBC (lire ici), Moussa Koussa est soupçonné d'être complice d'actes de tortures en Libye, tout comme Bachir Saleh fait l'objet d'un mandat d'Interpol pour fraude émanant de la Libye (voir ci-contre, lire ici et les détails là). En d'autres termes, le signataire et le destinataire du document sont protégés par la France et son allié, le Qatar, qui n'ont pas jugé bon de les livrer aux nouvelles autorités du pays qu'ils prétendent avoir libéré de la dictature dont MM. Koussa et Saleh étaient des rouages essentiels. Nous ne pouvons exclure, évidemment, que cette protection soit liée aux faits qui sont au cœur de notre enquête.
D'autre part, Nicolas Sarkozy, fort de ces deux démentis, a annoncé, lundi matin sur France-2, qu'il allait déposer plainte contre Mediapart, en ces termes : « Le canard, on lui a coupé la tête. C'était un document faux. Mediapart est une officine, Monsieur Plenel c'est le bidonnage à chaque fois, ce document est un faux grossier. » Avec le soutien de ses lecteurs, Mediapart fera face sereinement à ce procès intenté par un président et candidat sortant qui, jusque dans l'annonce de ces poursuites, montre sa détestation de la liberté de la presse et de la profession de journaliste.