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jeudi 19 août 2010

Roms : nouveaux bouc émissaires...

Pour faire oublier échecs, scandales , malhonnêteté et malversations, pour faire oublier l'inanité d'un gouvernement, d'un chef d'état, pour dissimuler les méfaits d'une politique désastreuse, rien de mieux qu'activer les rouages de la peur de l'autre, de la discrimination ; rien de mieux que les bouc émissaires. Le processus, qui date de Mathusalem, est depuis longtemps éprouvé : de la guérisseuse du coin au Juif, du voisin "qui n'est pas comme nous" au Rom, sans compter ceux qui par leurs moeurs, couleur de peau, religion deviennent les "autres", le choix est large. Depuis des années - 1995, puis 2002 si l'on regarde bien - cet autre, l'étranger est stigmatisé par la politique, comme "celui par qui le scandale arrive", puis "le délinquant potentiel", puis... étranger = délinquant. Le délit de faciès est devenu monnaie courante, pas seulement dans la police à qui on apprend qui arrêter en priorité mais semble-t-il également à l'école cf. sur ce lien). Il y a peu, à Berlin, Fabien et moi avons visité le musée Anne Frank. L'une des choses qui m'ont le plus marquée, c'est les photographies de gamines des Jeunesses hitlériennes acclamant le Führer. Une autre, les formulaires destinés à déterminer le pourcentage de sang juif dans les veines (et autoriser ou non un mariage). Je n'e trouve pas le formulaire mais voici un extrait du programme du parti nazi en 1920 :

Programme du Parti Nazi (1920)
1. Nous demandons la constitution d'une Grande Allemagne. [...]
4. Seuls les citoyens bénéficient des droits civiques. Pour être citoyen, il faut être de sang allemand, la religion importe peu. Aucun Juif ne peut donc être citoyen.
5. Les non-citoyens ne peuvent vivre en Allemagne que comme hôtes et doivent se soumettre à la législation sur les étrangers.
6. Le droit de diriger l'Etta et de faire les lois est réservé aux seuls citoyens. Nous demandons donc que toute fonction publique ne puisse être tenue par des non-citoyens.
7. Nous demandons que l'Etat allemand s'engage à procurer à tous le citoyens des moyens d'existence. Si ce pays ne peut nourrir toute sa population, les non-citoyens devront être expulsés du Reich. [...]
23. Nous demandons une lutte contre le mensonge politique et contre sa prpopagation par les journaux. Pour permettre la création d'une presse allemande, nous demandons que :
          a) tous les directeurs et journalistes des journaux de langue allemande soit des citoyens allemands ; [...]
          c) soit interdite par la loi toute participation financière ou toute influence des non-allemands [...]
24. Nous demandons la liberté en Allemagne de toutes les religions, dans la mesure où elles ne mettent pas en danger ou n'offensent pas le sentiment moral de lma race germanique. [...] Le Parti combat l'esprit judéo-matérialiste. [...]
Munich, le 24 février 1920

Récupéré sur cet excellent site ici
Je cite, ci-dessous quelques extraits du Journal d'Anne Frank, récupérés par là.

A partir de mai 1940, c’en était fini du bon temps, d’abord la guerre, la capitulation, l’entrée des Allemands, et nos misères, à nous les juifs, ont commencé. Les lois antijuives se sont succédé sans interruption et notre liberté de mouvement fut de plus en plus restreinte. Les juifs doivent porter l’étoile jaune ; les juifs doivent rendre leurs vélos, les juifs n’ont pas le droit de prendre le tram ; les juifs n’ont pas le droit de circuler en autobus, ni même dans une voiture particulière ; les juifs ne peuvent faire leurs courses que de trois heures à cinq heures, les juifs ne peuvent aller que chez un coiffeur juif ; les juifs n’ont pas le droit de sortir dans la rue de huit heures du soir à six heures du matin ; les juifs n’ont pas le droit de fréquenter les théâtres, les cinémas et autres lieux de divertissement ; les juifs n’ont pas le droit d’aller à la piscine, ou de jouer au tennis, au hockey ou à d’autres sports ; les juifs n’ont pas le droit de faire de l’aviron ; les juifs ne peuvent pratiquer aucune sorte de sport en public. Les juifs n’ont plus le droit de se tenir dans un jardin chez eux ou chez des amis après huit heures du soir ; les juifs n’ont pas le droit d’entrer chez des chrétiens ; les juifs doivent fréquenter des écoles juives, et ainsi de suite, voilà comment nous vivotions et il nous était interdit de faire ceci ou cela. Jacques me disait toujours : "Je n’ose plus rien faire, j’ai peur que ce soit interdit.
(20 juin 1942)

Margot est apparue tout excitée à la porte de la cuisine. "Il est arrivé une convocation de SS pour Papa, a-t-elle chuchoté, Maman est déjà partie chez M. Van Daan." (Van Daan est un ami et un associé de Papa).
Cela m’a fait un choc terrible, une convocation, tout le monde sait ce que cela veut dire, je voyais déjà le spectre des camps de concentration et de cellules d’isolement et c’est là que nous aurions dû laisser partir Papa. "Il n’est pas question qu’il parte", affirma Margot pendant que nous attendions Maman dans le salon. "Maman est allée chez Van Daan demander si nous pouvons nous installer demain dans notre cachette. Les Van Daan vont se cacher avec nous. Nous serons sept." Silence. Nous ne pouvions plus dire un mot, la pensée de Papa, qui, sans se douter de rien, faisait une visite à l’hospice juif, l’attente du retour de Maman, la chaleur, la tension, tout cela nous imposait le silence. (...)
(8 juillet 1942)

Les nazis n'ont pas déporté et exterminé seulement des Juifs - parmi leurs cibles les Tziganes Au total, plus de 500 000 Roms ont été exterminés durant la guerre. En fouillant ce matin sur différents sites, je sui tombée sur celui de Bagnolet en vert. Et voici ce que je lis : 

Les Roms qui s'étaient réfugiés dans l’ancienne gare (abandonnée) de la déportation de Drancy, viennent d'être expulsés … pour permettre la cérémonie de la déportation !
Quand on se souvient du lourd tribut payé à la folie nazie par le peuple Rom lors de la dernière guerre mondiale, on ne peut que partager l’indignation des associations comme Médecins du Monde, le MRAP, la CIMADE (…) :
A Bobigny, la Préfecture considère que les Roms sont indésirables dans les cérémonies de commémoration du génocide nazi.
Le 22 avril 2009 à 7h du matin, la police nationale a procédé à Bobigny à l’expulsion de plus de 200 personnes qui occupaient l’ancienne gare de déportation de Drancy. Neuf caravanes qui tardaient à libérer le terrain ont été emmenées à la fourrière et leurs propriétaires physiquement empêchés de récupérer les affaires qu’elles contenaient (médicaments d’une personne sous dialyse, pièces d’identité, dossier médical d’une femme enceinte, argent…).

La suite est sur leur site.
J'y ajouterai deux extraits d'un article sur les Sinti et Roms déportés à Natzweiler et le lien vers celui-ci. 

A partir de 1933, les Sinti et Roms qui vivaient en Allemagne perdirent leurs droits au même titre que les Juifs, et furent persécutés par le régime nazi. A la fin de l'année 1938, le Reichsführer-SS Heinrich Himmler ordonna leur recensement. Dans le cadre d'<> soi-disant scientifiques, les 24 000 expertises réalisées furent un préliminaire du génocide de cette minorité qui vivait dans le pays depuis six cents ans.

Les premières grandes vagues d'internement de ces populations à Natzweiler étaient déjà liées aux expériences sur le typhus exanthématique planifiées par le bactériologue Eugen Haagen. Il avait réclamé 100 Sinti et Roms détenus au camp d'Auschwitz dans le but de s'en servir comme <> pour tester un nouveau vaccin contre cette forme de typhus à la demande de l'armée de l'air allemande (Luftwaffe). Ses <<études>> avaient reçu un financement officiel de la part de la Deutsche Forschungsgemeinschaf (Fondation allemande de la recherche).

L'intégralité de l'article se trouve sur le lien de l'UFAC Bagnolet.

Aujourd'hui, en plus des "sans-papiers", des délinquants (forcément de couleur) et des propositions anticonstitutionnelles, et honteuses de déchéance de nationalité, le gouvernement stigmatise les Roms, "gens du voyage" ou "ces gens-là" et en fait sa priorité. Au point de faire réagir le conseil européen, et de manière plus virulente - et totalement justifiée, les ministres bulgare et roumain. L'article du Monde est en lien ici.
Je termine cet article en vous renvoyant vers le blog de Tintin en Sarkozye sur Médiapart. L'article a pour titre "Je suis un étranger d'origine française"...



vendredi 6 août 2010

La loi de la déchéance

Tout à fait à propos pour étouffer l'affaire Bettencourt, et tellement dégueulasse que, rien qu'écrire un blog dessus, ça me donne la nausée. Pour ceux qui n'auraient pas tout suivi : un extrait du communiqué de presse du Syndicat de la Magistrature :

Une avalanche de discours et d’annonces provocatrices s’est abattue depuis plusieurs jours sur notre pays. Jusqu’au plus haut niveau de l’Etat, on entend des propos qui étaient jusqu’à présent l’apanage de l’extrême droite. Le président de la République, lui-même, montre du doigt des communautés et des groupes sociaux entiers, stigmatise les Roms, les Gens du voyage, les étrangers, les Français qui ne sont pas « de souche », les parents d’enfants délinquants, etc. Ce faisant, il ne lutte en rien contre la délinquance, qui est répréhensible pour tout individu sans distinction de nationalité ou d’origine : il met délibérément en cause les principes qui fondent l’égalité républicaine, alors que déjà une crise sociale et économique d’une extrême gravité menace la cohésion de la société tout entière.
En quelques jours, les plus hautes autorités de l’Etat sont passées de l’exploitation des préjugés contre les Gens du voyage au lien, désormais proclamé, entre immigration et délinquance, puis à la remise en cause de la nationalité française dans des termes inédits depuis 1945. Ce qui est à l’œuvre dans cette démarche s’inscrit dans une logique de désintégration sociale porteuse de graves dangers.
Il ne s’agit plus du débat légitime en démocratie sur la manière d’assurer la sûreté républicaine, mais bien d’une volonté de désigner comme a priori dangereuses des millions de personnes à raison de leur origine ou de leur situation sociale. Quelle que soit la légitimité que confère l’élection, aucun responsable politique n’a reçu mandat de violer les principes les plus élémentaires sur lesquels la République s’est construite.

L'intégralité du communiqué est disponible sur leur site, à cette adresse

Médiapart abrite depuis le 3 aout une pétition, "nous sommes tous français". Je vous invite à la lire, et à la signer sur le lien ci-dessous. 

Le constitutionnaliste Olivier Duhamel et quatre autres signataires lancent un appel solennel après les déclarations de Nicolas Sarkozy stigmatisant les Français «d'origine étrangère». Ils appellent le Président de la République «à apprendre les leçons du passé et à renoncer sans attendre à la mise en œuvre d'une régression aussi contraire aux principes fondamentaux de la République». Vous êtes déjà plus de 3.000 à l'avoir signé ci-dessous.
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Nous sommes tous français quelle que soit notre origine. Et la plupart des Français ont, d'une façon ou d'une autre, une origine étrangère.
Nous sommes membres d'une nation qui, selon l'article 1er de sa Constitution, «assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion». Nous sommes citoyens d'une république qui refuse de discriminer les Français selon leur origine, quelle qu'elle soit. Nous appartenons à un peuple qui, en proclamant solennellement son attachement aux droits de l'homme, se souvient que cette sélection entre Français selon l'origine fut celle du régime raciste de Vichy.
Le premier des pouvoirs et des devoirs du président de la République française est de veiller au respect de la Constitution, et donc de ces principes. Or Nicolas Sarkozy a déclaré publiquement, à Grenoble, le 30 juillet, que «la nationalité doit pouvoir être retirée à toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un fonctionnaire de police, d'un militaire de la gendarmerie ou de toute autre personne dépositaire de l'autorité publique».
Si cette intention devenait réalité, elle instaurerait deux catégories de Français, ruinant le principe d'égalité devant la loi et créant une nationalité conditionnelle pour les Français d'origine étrangère. Rien ne saurait justifier que l'on commette de telles atteintes à  l'unité de notre communauté nationale et à la tradition républicaine, telles qu'elles sont définies par notre Constitution.
Nous ne savons pas si et jusqu'où ces atteintes pourraient s'étendre dans l'avenir. Nous serions entièrement solidaires de tout «Français d'origine étrangère» qui serait victime d'une telle discrimination. D'ores et déjà, nous appelons le Président de la République à apprendre les leçons du passé et à renoncer sans attendre à la mise en œuvre d'une régression aussi contraire aux principes fondamentaux de la République.

Pour signer c'est par ici.

... Et bonnes vacances. Moi, je vais aller voir ailleurs si j'y suis...