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mercredi 31 juillet 2013

Les émotions des animaux et autres lectures


Je n’ai pas tout à fait terminé Les émotions des animaux, de Mark Bekoff – mais presque. J’ai en revanche terminé Ce que les chevaux ont à nous dire, d’Antoinette Delylle il y a une semaine. Deux ouvrages très différents, le second, recueil de témoignages, le premier, essai d’éthologie cognitive, qui tous deux, peut-être parce qu’ils confirment mes intuitions,  m’apportent énormément. Les animaux ressentent-il des émotions ? Sont-ils capables de sentiments ?  Est-ce de l’anthropomorphisme, que de dire qu’un cheval ou un chat (je « parle » de ceux que je connais le mieux) éprouvent de la joie, de la tristesse, de la jalousie, de l’affection ?  Non, ou plutôt si… Et tant mieux, puisque nous partageons des émotions semblables et que nous sommes capables de nous comprendre. Tant mieux puisque l’une des meilleures manières d’appréhender le monde animal est de raisonner par analogie. Un exemple ?
Les hommes éprouvent des émotions qui peuvent être liées à certaines structures cérébrales, et comme les animaux ont des structures cérébrales identiques ou similaires, ils connaissent des états affectifs similaires. (Bekoff, Les émotions animales, p 80)
 Un exemple, développé par Bekoff, qui en a fait l’un de ses sujets d’étude : le jeu. Il existe chez les animaux des ce qu’il appelle « play bow », des invitations à jouer se traduisant par des postures caractéristiques, compréhensibles par tous (humains comme animaux, d’espèces différentes ou pas). Ainsi, quand Quevedo me regarde en faisant les gros yeux, limite frétillant, je sais qu’il veut jouer « à chat ». Et quand je siffle deux fois, à La Rochelle, il grimpe l’escalier à toute blinde et saute sur la poutre. Je ne lui ai pas appris à faire ça, je ne l’ai pas dressé à acquérir un automatisme (d’ailleurs il ne le fait pas toujours…) mais c’est la règle du jeu. Quand Keyrann (380 kg de bonheur…), en liberté, me fonce dessus et m’évite au dernier moment, se cabre juste devant moi, c’est du jeu – du jeu mode étalon, mais du jeu quand même. Après, je suis plus ou moins fatiguée, plus ou moins capable de gérer, mais c’est moi…
Fin de digression. Retour à la case « commentaire de texte ». Avec des chevaux, bien entendu. Ce que j’ai apprécié, dans l’ouvrage de Delylle, c’est qu’il est à la fois cohérent (le fond est le même : apprendre, écouter, aimer, se rmettre ecnore et toujours en question) et très diversifié : chaque témoignage, qu’il s’agisse de celui de Bartabas, de Catherine Senne ou de l’auteure, apporte de l’eau au moulin de l’équitation : chaque cheval est un individu, avec une personnalité différente, des goûts différents. Aucune méthode d’apprentissage n’est universellement valable (et la philosophe qui est en moi jubile, en pensant à ce qu’écrit Descartes dans son Discours à propos de sa « méthode » : il ne s’agit pas de l’appliquer bêtement à tous, mais de faire l’effort, individuellement, de l’éprouver… sachant qu’elle ne sera pas nécessairement identique et valable pour tous… J’adore d’autant plus ce passage qu’il est extrêmement méchant, bref…) : il faut sans cesse s’adapter, se remettre en question, se dire que bon, Pitchoun n’a pas la bosse du dressage, mais semble beaucoup plus doué à l’extérieur – par exemple. Le dernier article, qui évoque une approche thérapeutique du cheval, m’a profondément bouleversée.

Les animaux ressentent un large éventail d’émotions, dont les six universelles de Darwin : la colère, le contentement, la tristesse, le dégoût, la peur et la surprise. […] Les animaux peuvent être courageux, timides, joueurs, agressifs, sociables, curieux, équilibrés ou sympathiques ; ils peuvent être extravertis, introvertis, dominants ou soumis. Les différences d’un individu à l’autre et d’une espèce à l’autre rendent l’étude des émotions animales plus ardue, plus ambitieuse, mais aussi, plus passionnante… (Bekoff, Les émotions animales, p 90-91)
Le parcours de Bekoff (ai-je signalé que son ouvrage est préfacé par la grand Jane Goodhall ?) est intéressant : au départ, il étudiait les animaux en laboratoire. C’était des objets d’étude, fort différents des animaux qu’il avait chez lui. Et donc, il n’était censé ni les nommer ni s’y attacher puisque les bêtes, désignées par des numéros, devaient de toute façon finir disséquées. Ça a duré jusqu’au jour où il a étudié un chat, un chat qu’il a appelé (malgré les consignes, donc) Speedy, et qu’il a été obligé de tuer. Un chat dont il a croisé les yeux, au dernier moment. Bekoff s’est tourné vers l’éthologie cognitive : il a d’ailleurs fondé avec Jane Goodhall Ethologists For The Ethical Treatment Of Animal. Il retrace l’histoire dans son essai de l’éthologie, des critiques dont elle a fait l’objet « on ne peut pas dire qu’un animal pense/ ressent/ etc. », des obligations scientifiques du « comme si » (ne pas écrire, mon chat s’amuse mais c’est comme s’i mon chat s’amusait),  puis, aujourd’hui les mentalités qui changent, le fait de pouvoir écrire sans se prendre la communauté scientifique sur le dos : cet éléphant est malheureux.
Cette longue histoire critique de l’éthologie et du rapport des sciences du comportement aux animaux m’a fait penser par bien des aspects aux travaux de Vinciane Desprets, qui fait de l’éthologie d’éthologistes… Dans Penser comme un rat et dans La Danse du cratérope écaillé, elle prend plusieurs fois les scientifiques comme sujet/objet d’étude, et montre qu’aucune de leurs grandes théories, en particulier quand elles sont liées à l’étude de l’altruisme,  ne sont absolument objectives : il y a toujours de l’interprétation humaine, dedans. Autrement dit, de l’anthropomorphisme (de tête, un scientifique de gauche aura tendance à penser : ces rats coopèrent parce qu’ils sont altruistes et un scientifique de droite dira : ils coopèrent pour défendre leurs intérêts propres). Bien sûr, Bekoff passe beaucoup de temps à justifier son propos – un grand zoologue a dit que, une grande biologiste a écrit que – et c’est parfois un peu lourd, mais c’est essentiel – après tout, lorsqu’on écrit une thèse, on passe son temps à se référer à d’autres pour donner plus de poids à ce que l’on soutient. D’autant plus essentiel, que nous vivons dans un monde où le registre de l’émotion, du sentiment, de l’empathie – oserais-je rajouter de l’imaginaire ? – est systématiquement dénigré au profit du chiffre, de la prétendue objectivité, du rendement.
De mémoire, encore, il me semble que Michel Terestchenko, dans Un si fragile vernis d’humanité, montre de façon très intéressante l’avènement, au XIXème siècle du modèle économique actuel à travers l’étude de philosophes comme Hobbes et de courants de pensée pour lesquels les rapports humains sont nécessairement fondés sur la volonté de puissance et l’intérêt, l’altruisme n’existe pas et la notion d’harmonie est une vaste plaisanterie… Je ne suis pas à la maison, là donc je n’ai pas les passages sous les yeux, mais c’est passionnant.
Ethologie et philosophie au menu, donc.
Voilà, alors ce long article est incomplet, survole trop de choses mais là, j’ai vraiment un chapitre à écrire et un timing serré.
Si vous vous intéressez à l’éthologie, je vous conseille donc de lire :
Les émotions des animaux, de Mark Bekoff.
Penser comme un rat, de Vinciane Desprets.
Aux chevaux :
Ce que les chevaux ont à nous dire, d’Antoinette Delylle.

Et parce que cela ne fait jamais de mal de réviser ses classiques :
Un si fragile vernis d’humanité, de Michel Terestchenko et Femmes qui courent avec les loups, de Carola Pinkola Estes.

Il y a un lien. Je vous le promets.

vendredi 12 juillet 2013

L'appel de Médiapart : nous avons le droit de savoir

"La Cour de justice de Versailles a contraint Mediapart à effacer tous les extraits des enregistrements relatifs à l’affaire Bettencourt. Cette décision pourrait signer l’arrêt de mort du site d’information indépendant, et menace l’investigation journalistique elle-même", explique Le Soir belge.  

Médiapart a lancé, en réponse à cette décision honteuse, un appel que je reproduis partiellement ici, et vous invite à signer massivement en cliquant sur le lien. 

Signez ici l'appel lancé avec Mediapart par plus de quarante titres de presse, associations de défense des libertés, syndicats, et des dizaines de personnalités politiques et de la société civile, pour défendre la liberté de l'information. 

Nous avons le droit de savoir
La liberté de l’information n’est pas un privilège des journalistes mais un droit des citoyens. Dans une démocratie vivante, le pouvoir du peuple souverain suppose le savoir d’un public informé. Être libre dans ses choix et autonome dans ses décisions nécessite de connaître ce qui est d’intérêt public, c’est-à-dire tout ce qui détermine et conditionne nos vies en société.

S’agissant des affaires publiques, la publicité doit donc être la règle et le secret l’exception. Rendre public ce qui est d’intérêt public est toujours légitime, notamment quand le secret protège indûment des injustices et des délits, des atteintes au bien collectif ou aux droits humains. Ainsi la sécurité des États ne saurait empêcher la révélation de violations des libertés individuelles, pas plus que la sauvegarde de l'intimité de la vie privée, impératif par ailleurs légitime, ne saurait être l’alibi d’infractions aux lois communes.

C’est pourquoi il importe de défendre les journalistes professionnels, les sources d’information et les lanceurs d’alerte ayant permis la révélation de faits d’intérêt général qui, sans leur travail et leur audace, seraient restés inconnus du public. Les soutenir, c’est protéger et étendre un droit de savoir universel, garantie d’un renforcement de la démocratie mondiale à l’heure de la révolution numérique.

Pour voir l'intégralité de l'appel et signer : cliquez ici

lundi 8 juillet 2013

La Haine

Ça faisait longtemps que je n'avais pas fait de revue de presse, ici. Non que je me sois dépolitisée, mais je n'ai simplement plus beaucoup de temps, et puis j'ai tendance à relayer les infos que je reçois via Facebook. Je sais, c'est mal. Mais en ce beau début d'été, il y a des trucs qui me foutent la haine. Et ces trucs qui me foutent la haine, ce sont des appels à la haine, justement.
Je commence par l'extrait d'un article de, Philippe Alain, dans Médiapart, à propos de l'incendie de Lyon (13 mai dernier) : 

Il y a quelques jours, en prévision d’une expulsion à venir, la mairie de Lyon, dirigée par le très socialiste Gérard Collomb coupe l’électricité, tenez-vous bien, pour des raisons de sécurité… Les squatteurs ont osé se brancher sur un distributeur de courant et monsieur Collomb craint probablement que des enfants s’électrocutent. Bien lui en a pris, personne n’est mort électrocuté. Il oublie juste que les Roms sont comme nous, ils ont besoin de lumière. (1) Faute de courant, ils s’éclairent donc à la bougie et trois d’entre eux en sont morts.
Quelques heures après l’incendie, alors que les pompiers travaillent toujours sur les lieux du sinistre et que de nombreux journalistes sont présents, les familles se regroupent sur la place voisine. C’est toute la communauté rom de Lyon qui vient présenter ses condoléances aux familles endeuillées. Un peu plus tard dans la matinée, des hommes en noir affublés d’oreillettes blanches descendent de grosses berlines. Les journalistes quittent la place et le bruit commence à courir que Manuel Valls arrive sur les lieux du drame. Dans la confusion la plus totale et en évitant soigneusement les familles, Manuel Valls, Ministre de l’Intérieur, Christine Taubira, Ministre de la Justice, Gérard Collomb, maire de Lyon, Jean-François Carenco, Préfet de la région Rhône-Alpes vont se présenter devant le bâtiment qui fume encore.
Pas une de ces personnalités qui représentent les plus hautes institutions de la République et élevées dans le sérail des grandes écoles françaises où on n’enseigne visiblement pas la politesse la plus élémentaire, ne va venir présenter ses condoléances aux familles qui attendent à quelques mètres. Les roms sont-ils dangereux ? Manuel Valls aurait-il peur de femmes et d’enfants tétanisés par la douleur ? Un geste, une parole, un simple regard d’un ministre pour dire aux familles que la République Française s’incline devant leur douleur ? Non, rien, rien de rien. Roms vous êtes, roms vous resterez. Au contraire, Valls, oubliant la souffrance dans laquelle sont plongées les familles endeuillées va réaffirmer le leit-motiv de sa pré-campagne présidentielle qui est également devenu le fondement de la politique du gouvernement français contre la minorité rom: « il faut poursuivre le travail de démantèlement et d’évacuation des campements », « comme l’a si bien commencé Nicolas Sarkozy » aurait-il pu ajouter. Aucune pudeur, aucune retenue.

Effectivement, comme le souligne cet article, la politique du gouvernement à l'égard des Roms est à la fois raciste et indécente (le racisme peut-il être décent, me direz-vous ?). Pire, c'est un appel à la haine. Appel sur lequel s'empressent de rebondir les partis plus à droite que le PS : l'UMP, qui surfe sur la vague du FN, et le FN contre lequel le MRAP vient de porter plainte. Pourquoi ?
Je vous copie-colle leur communiqué de presse, plutôt.

Haine anti-Rom de Jean Marie Le Pen :

Le MRAP dépose plainte et demande une condamnation exemplaire
Les mots, les théories, la sémantique qui présentent des composantes de
notre société comme  des occupants, s'apparentent à la prose des journaux
antisémites des années 1930-1940.

Quand Marine le Pen, le vendredi 10 décembre 2010, a comparé les prières de
rue des musulmans à une occupation, elle  s'inscrivait déjà dans cette
rhétorique haineuse. C'est d'ailleurs pour ce motif que le Parlement
Européen a décidé  de lever son immunité parlementaire.

Quand Jean-Marie Le Pen, le jeudi 4 juillet 2013 à Nice , présente les Roms
comme des envahisseurs et qu'il ajoute à leur propos,  qu’il s'agit d'une
présence « urticante et odorante ». nous y voyons la résurgence de la haine
raciste des journaux de la collaboration "je suis partout" ou" Gringoire". 
Devant la multiplication de ces déclarations racistes et leur effet
dévastateur lorsqu'elles émanent des personnalités publiques, le MRAP - qui
dépose plainte pour injures racistes, - demande à ce qu'il soit prononcé, à
l'encontre du multirécidiviste Jean-Marie Le Pen,  une condamnation
exemplaire.

Le MRAP sera représenté pour cette procédure par Maître Pierre Mairat,
avocat à la cour d'appel de Paris.

Paris, le 5 juillet 2013


Leur site, c'est par ici. Moi, ce sont plutôt les propos de cette extrême-droite ignoble que je trouve "urticants et malodorants". leur appel à la violence, que je ressens comme une "occupation". et que penser du discours de Christian Estrosi, le maire de Nice ?
Ci-dessous, un extrait d'un article de Sébastien Crépel, paru aujourd'hui dans L'Humanité

L’UMP continue de ­courir derrière le Front national, jusque dans ses positions les plus xénophobes. On sait qu’il est difficile pour l’élève de dépasser le maître en la matière mais, cette fois, il n’en est plus très loin. Une nouvelle fois, ce sont les gens du voyage qui en font les frais. Après les déclarations de Le Pen père, jeudi, à Nice, sur « la présence urticante » et (mal) « odorante » des Roms et qui feraient presque passer le discours de Grenoble de 2010 de Nicolas Sarkozy pour un manifeste humaniste, le maire UMP de la ville ne pouvait être en reste.
Le très sarkozyste Christian Estrosi y est donc allé de sa diatribe musclée, hier, en ­appelant « les maires de France à la révolte » contre les gens du voyage occupant illégalement des terrains. « J’en ai maté d’autres, je vous materai », a-t-il déclaré à leur intention, en livrant son « mode d’emploi » pour y parvenir : « Mettre des caméras partout pour surveiller (leurs) faits et gestes » ; « noter ceux qui rentrent, ceux qui sortent, à quel moment et ce qu’(ils vont) faire partout dans la ville » ; saisir le tribunal pour « pouvoir saisir (…) ces belles et grosses voitures avec lesquelles ils tirent leurs belles et grosses ­caravanes pour lesquelles il ­faudrait parfois aux Français toute une vie pour pouvoir se payer les mêmes »…


Moi, je leur ferai bien le même coup, à ce sale type et les siens : les traquer, les rassembler dans un ghetto, les marquer comme du bétail, pourquoi pas ? Tant qu'à faire. Quoi, j'exagère ? Mais non. non! Pour surveiller, pour noter les faits et gestes, pour "noter ceux qui rentrent, ceux qui sortent", il faut bien une porte, un endroit clos... 
J'ai la haine. La haine contre ces ordures qui osent proférer de telles abjections, qui appellent les Français à trouver un bouc émissaire facile à leurs difficultés (causées par... oups... les banques, ceux qui nous gouvernent... ceux qui nous gouvernaient...). J'ai vu des Roms, à Montreuil, l'an dernier. Des gamins qui jouaient sur un terrain pourri, parmi des rats, alors que nous étions tranquillou en train de prendre un café dans la salle VIP réservée aux invités du salon du livre. Ben oui, elle donnait juste au-dessus. Et je souhaite aux raclures d'extrême droite,de droite extrême et à leurs proches de vivre un automne dans ces conditions. Un seul  automne. Je me demande comment ils vivraient les mots méprisants et méprisables, les persécutions, l'horreur des expulsions dont sont victimes... ces gens-là.

Dîn et Keyrann

En ce début d'été, quelques photos de mon Keyrann et de sa fille, Dîn, à la douche. C'est marrant de voir à quel point ma pouliche change et grandit, barbe jusqu'à la pointe des sabots. Keyrann, lui, s'économise : il fait chaud...
Merci à Paule pour ces photos!

un peu d'eau

même sur la tête

Dîn

rime avec frime

mééé! un peu froid, là!