Il y a cinq ans, 30 auteurs de l'imaginaire écrivaient Appel d'air, un recueil publié chez ACTU SF, s'interrogeant au lendemain des présidentielles sur notre avenir. Aujourd'hui, le collectif se reforme, autour de textes qui seront d'abord publiés en ligne... Je ne savais pas trop par quel bout prendre ma participation. Je me sentais d'humeur positive, avant le premier tour. J'ai voulu m'essayer au théâtre. Puis au slam. Pas mon truc. Surtout le slam. Je suis restée un peu sèche, puis les résultats du premier tour sont tombés. J'ai donc écrit un triptyque de poèmes, du coup beaucoup moins gai, dont je vous présente le 2ème volet.
II
Je veux, si je suis élu président de la République, que d’ici à deux ans, plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d’y mourir de froid. Parce que le droit à l’hébergement, je vais vous le dire, c’est une obligation humaine, Nicolas Sarkozy, décembre 2006.
Barbe broussailleuse, joues creuses et cernes noirs
Un vagabond dans une poubelle renflée,
Cherche de quoi subsister sans quitter
Des yeux les aspérités du trottoir.
Non loin, le regard tendre d’un grand chien
Veille sur sa misère avec l’amour
Des êtres purs qui ne demandent jamais rien,
Mais donnent sans compter et pardonnent toujours.
De temps à autre un passant ralentit
Pose un peu de monnaie dans la coupelle
Bosselée qui sert le soir d’écuelle
À son frère inhumain, à son ami.
Il a honte de glaner les restes jetés
Par ses anciens semblables, mais de la dignité
La faim se raille bien : elle écrase les corps,
Broie les esprits. Sa vieille compagne la mort
Reste dans son sillage, attend le bon moment
Pour ouvrir la danse des ultimes instants.
L’hiver passé le corniaud l’a sauvé
Du baiser empoissé de la Camarde,
De son étreinte molle, de ses lèvres blafardes.
Mais la bête se meurt, déjà son haleine
Empeste la charogne. Elle se traîne
Plus qu’elle n’avance à ses côtés.
Bientôt, elle aura succombé.
Il restera seul, et quand les frimas
Glacés de novembre envelopperont
Son corps affamé, aviné et las,
Des doigts squelettiques l’emporteront.
Nul ne tentera de l’en protéger.
Selon la Fondation Abbé Pierre :
Il y a actuellement près de 3,7 millions de personnes mal logées ou sans abri en France. Parmi celles-ci : 133 000 sans domicile, 38 000 en hôtel et 85 000 dans des cabanes et des abris précaires.
Les chiffres du Collectif « Les Morts de la rue » :
Morts de la rue en 2007 : environ 270
Morts de la rue en 2008 : environ 390
Morts de la rue en 2009 : environ 400
Morts de la rue en 2010 : environ 414
Morts de la rue en 2011 : environ 400 (décompte non terminé)
Ces listes ne sont pas exhaustives. La réalité nous est inconnue : peut-être dix fois plus de décès que ceux que nous citons, précise le site du collectif (www.mortsdelarue.org).
Juste rappel d'un état de fait monstrueux.
RépondreSupprimerEt encore une fois une plume qui va droit au coeur... et me rappelle que, si je n'ai pas perdu ma rage, ma colère, mon envie, je n'ai plus le sourire...
Lace' d'Acier !