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dimanche 5 mai 2019

Les mots sont des armes...


Je viens de terminer un article sur l’utilisation et l’évolution du féminin dans le langage. Une fois encore, je suis émerveillée par sa puissance: les mots, leur forme, nous conditionnent. La disparition progressive du féminin dans les arts et les lettres comme le terme autrice par exemple, ou poétesse, philosophesse, tyranne, les règles de simplification de la langue – le masculin vaut pour un neutre et l’emporte sur le féminin – ont mené à et renforcé une véritable dévalorisation des femmes, à la fois culturellement et socialement.
Dans le monde de l’édition, des manuscrits écrits par des hommes, ou sous pseudonyme masculin, ont plus de chance d’être lus et pris au sérieux que s’ils sont rédigés par des femmes – même aujourd’hui. Certaines refusent catégoriquement d’être féminisées, au prétexte qu’autrice ou écrivaine sont moches (des arguments employés par de vieux intellos sexistes de l’Académie à la fin du XIXeme siècle, qui d’ailleurs étaient les mêmes qui clamaient qu’écrivain n’était pas un métier pour les femmes, alors qu’il s’agit d’un sexisme et d’une dévalorisation de soi totalement intégrées.
Dans le milieu équestre, on continue à parler d’un « homme de cheval », alors même que les femmes sont plus nombreuses et au moins aussi compétentes que leurs pairs. Certaines cavalières de haut niveau ou coach mettent un point d’honneur à se montrer totalement dénuer d’empathies dans un milieu machiste ou on aurait vite fait de les taxer de « trop sensibles » (alors que les chevaux SONT hyper sensibles, mais passons…) Il en va de même dans de nombreuses professions traditionnellement « masculines ».
 Pour rester dans le même domaine, celui de l’équitation, le vocabulaire qu’on emploie pour désigner et qualifier les chevaux, nous conditionne à les considérer comme des objets : on parle de « modèles », comme s’il s’agissait de voitures. Au passage, le nombre de pubs qui comparent la possession d'une femme - et donc, l'objectivent - à celle d'une voiture montre bien  que le passage du sexisme au spécisme dans cet article est plus logique qu'il ne le paraît... (Oh, et ne dit-on pas que certaines femmes ont « une belle carrosserie » ?)




Les chevaux ne maigrissent pas, ne grossissent pas : ils prennent ou perdent "de l’état"; cette terminologie contribue à les objectiver, cette fois par en invoquant la notion d’engraissement. 
On peut ainsi continuer les parallèles : durant des siècles, les femmes ont été interdites de féminisation des noms des professions liées à la création et au pouvoir, au point que certaines d’entre elles refusent le féminin « directrice » de peur d’être « mal vues » par leurs collègues. On refuse aux autres espèces tout ce qui peut les rapprocher de la nôtre – les éthologues prennent d’infinies précautions quand ils parlent de « pensée » et de « sentiments » pour les rats, singes, chevaux, ânes, poissons divers qu'ils étudient (même si, heureusement, les lignes bougent) et on leur refuse encore la possibilité d’être des personnes. 

Il est temps de cesser de s’excuser d’avoir de la considération pour autrui. les mots sont des armes. Utilisons-les.

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