Dans le cadre d'un événement Facebook, les auteurs de SFFH francophones ont du talent - rien que ça... Je publie un extrait du deuxième tome de Lune et l'Ombre, trilogie fantastique (à partir de 11 ans, chez Gulf Stream éditeur). Et je le dédie tout spécialement à Mona;, Emma et Harmony.Il faut toujours se méfier des clowns!
C’est
une mélodie, d’abord. De joyeuses notes de flûte. Un morceau simple et
entraînant. Porté par la brise du soir, il virevolte autour de moi. Incapable
de résister, je tourne sur moi-même et j’esquisse quelques pas de danse,
ensorcelée. Je m’élance, impatiente de découvrir la source de cette chanson.
J’arrive à l’orée d’une esplanade entourée de vieilles demeures. Dans le
couchant, elles sont illuminées de rayons d’ambre blond. La musique vient de
là. Je ralentis, un peu intimidée. À cet instant, l’oiseau-lune se pose sur mon
épaule et me pique deux fois. Réprimant un cri de douleur, je sursaute, porte
la main à mon cou. Il m’a fait mal, mais la douleur, comme dans la demeure de
l’horloger, m’a libérée du sortilège. Plaquée contre un antique mur de pierres
sèches et moussues, je m’approche de la place, le cœur battant.
En
guise de chapiteau, une roulotte hexagonale, sans moteur ni chevaux. En guise
de scène, une porte fixée par des tréteaux.
Un
personnage inquiétant, vêtu d’un chapeau pointu et d’une longue cape rouge, jongle
au son d’une flûte invisible avec une vingtaine de minuscules sphères d’argent.
Sur le seuil de sa caravane, un lion et une chouette l’écoutent sagement.
Face à
lui, une quinzaine d’écoliers en uniformes gris, hypnotisés. J’ai l’impression
de les avoir déjà vus. Mais où ? Soudain, je me rappelle : ils
suivaient leur institutrice, une nonne sévère. Un gardien barbu les
escortait : il portait dans son dos un sac rempli d’oiseaux. Certains
parvenaient à s’échapper et filaient à tire d’aile dans le ciel nuageux :
ce n’étaient ni des étoiles ni des soleils, mais des rossignols, des mésanges
et des petits moineaux.
Je
m’avance un peu plus. Je découvre avec horreur les yeux minéraux du fauve et du
rapace : ils sont empaillés. Quant aux lumières, ce sont des boules de
plumes inertes, dépouilles fragiles, encore scintillantes de magie, des victimes
du chasseur d’étoiles.
La
musique s’arrête. Le clown ralentit ses mouvements. Les cadavres retombent en
pluie molle autour de lui. Indifférent, il s’incline et salue. Les élèves
applaudissent.
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