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lundi 11 juillet 2016

Sang-de-lune, extraît et FAQ


 Mon prochain roman, Sang-de-lune, sort fin août. D'ici là, je proposerai quelques extraits et vous propose de m'envoyer vos questions (via mon contact mail) : j'y répondrai, dans un billet dédié, le 8 août. D'ici là, bonne lecture!



Alta. Une cité où les femmes sont soumises à l’autorité des fils-du-soleil. Gia, comme toutes les sang-de-lune, doit docilement se plier aux règles édictées par le conseil des Sept, sous peine de réclusion, ou pire, de mort. Impossible d’échapper au joug de cette société où règne la terreur. Pourtant, le jour où sa petite sœur Arienn découvre la carte d’un monde inconnu, les deux jeunes filles se prennent à rêver à une possible liberté. Mais ce rêve est bientôt menacé par l’annonce du mariage de Gia. Le temps presse, elles doivent fuir. Or, pour atteindre ce monde mystérieux qui cristallise leurs espoirs, toutes deux doivent traverser les Régions Libres, un territoire effrayant où cohabitent hordes barbares et créatures monstrueuses, issues de la matière même de l’obscurité.
Une dystopie lunaire, un entre-monde de cuivre et de ténèbres, peuplé d'ombres et de chimères.
une réflexion profonde sur la liberté et sur la condition féminine. 

Près de moi, je perçois la tiédeur d’Arienn, ma petite sœur ; son souffle régulier s’élève dans la cellule que nous partageons au sein du gynécée. Son innocence me rassure. Elle est encore trop jeune pour être la proie de la noirceur et connaître son étreinte poisseuse, qui altère nos âmes et nos corps. Normalement, nous sommes épargnées jusqu’à la puberté, mais mon père, Caspian, qui travaille pour les Sept dirigeants de notre cité, dit que les Ténèbres se manifestent parfois plus tôt, de manière sournoise. La curiosité et la dissimulation en sont les premiers signes. Un jour, je m’en souviens, il a comparé ces souillures précoces aux parasites qui croissent dans l’estomac des bêtes et les empoisonnent. Si nul ne perçoit leur présence et n’élimine l’animal responsable, le mal se propage et le troupeau entier risque la mort.
Selon lui, il en va de même avec nous autres, sang-de-lune : il faut nous surveiller étroitement, et ce depuis notre plus jeune âge, pour éviter que nous ne pourrissions et infections les autres avec nos idées.
Cela me trouble.
Arienn n’est qu’une enfant. Soupçonner qu’elle porte en son sein le germe de l’obscurité, voire qu’il est déjà trop enraciné pour la guérir me semble inconcevable. Et pourtant…
Ma petite sœur ne serait pas la première à être pendue ou exposée dans les tunnels sombres, malodorants et à mourir de faim, proie de l’obscurité et des monstres qui s’y terrent, victime de la barbarie des hordes qui rôdent à la lisière de la cité. Comment réagirais-je, si Arienn était jugée trop dangereuse pour la communauté ? Je pleurerais beaucoup, j’imagine. Mais je finirais par m’incliner et accepter le verdict et le châtiment. Parce que je n’ai pas le choix. Parce que c’est écrit dans les Lois d’Alta, qui définissent les règles de notre société.

Sans la justice des hommes, les femmes se laissent aller à leur instinct et à la fourberie de leur nature impure. Ainsi, elles permettent aux Ténèbres de croître en elles et de corrompre leur âme.

J’ai beau connaître les traditions et leur raison d’être, pour Arienn, je me demande si je n’aurais pas la tentation de me dresser contre les autorités pour la défendre, la protéger.
Tentation ? Courage ? La frontière me semble bien fragile, cette nuit.
En frissonnant, je remonte le drap de toile jusqu’au bas de mon visage et je ferme les yeux. Je me bats contre ces idées folles, ces pensées impossibles qui me sont soufflées par les ombres qui m’habitent. Instinctivement, je presse le pouce contre le glyphe qui a été tatoué à la naissance de mon épaule pour les emprisonner. C’est une spirale formée de sept cercles noirs. En son centre, une minuscule perle de cuivre, qui représente le soleil, mais également l’autorité paternelle. Lors de mes noces, celle-ci me sera arrachée par l’homme qui me prendra comme épouse. Un autre piercing ou une scarification la remplaceront s’il choisit de me garder dans sa maison.
Je me souviens de la cérémonie durant laquelle a été réalisé mon tatouage. Elle s’est déroulée dans cette demeure. Mon père et ma grand-tante, Vania, ont officié. À mes côtés, se tenaient ma cousine Rozenn et Cora, une voisine devenue féconde en même temps que nous. Vania a préparé l’encre et les aiguilles. Mon père les a plongées dans les flammes ardentes d’un brasier afin de les purifier. Vania s’est mise au travail. Brûlures, picotements ; au bout d’un moment, la sensation que ma peau était une plaie à vif, sans toutefois ressentir la douleur comme mienne ; puis, les dernières paroles d’une longue prière et l’épingle de métal enfoncée d’un coup sec dans ma chair.

Un éclat de feu
Pour repousser les Ténèbres
Au cœur de la chair
De celle qui les accueille
De celle qui les nourrit
Faible par nature

J’ai crié. Par ma voix, les échos du mal, qui s’étaient multipliés avec mon premier sang, ont exprimé leur rage et leur impuissance. La perle d’or roux a scellé le rituel.
La fièvre a duré une semaine. La souffrance, d’autant plus longtemps que je touchais sans arrêt le glyphe, redoutant la peine, ne pouvant cependant m’empêcher de la rechercher. Aujourd’hui, près d’une année s’est écoulée, mais je continue d’éprouver une gêne imperceptible à ce contact. Une gêne familière et rassurante : tant qu’elle est là, rien de mauvais ne peut s’échapper ou prendre le contrôle de moi. Du moins, j’aime à le croire.
De nouveau, mes yeux se ferment. Je pars à la dérive, sombre dans un sommeil agité.





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