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dimanche 28 décembre 2014

Too much or not too much

Mon premier devoir de philosophie avait pour intitulé : Tu penses trop. Est-il jamais possible de trop penser ? Il se fondait sur une réflexion banale, qu'on pourrait traduire par "arrête de te prendre la tête", et posait effectivement la question de savoir si, oui ou non, il y avait un "trop" en matière de pensée/ penser. Je vous passe l'aspect très heideggerien des réflexions de ma prof (issues de Acheminement vers la parole, que je n'ai pas relu depuis ce temps,désolée...)
Je vous épargne le plan en oui/non/ peut-être et ses variations. Là n'est pas le sujet, même si l'on pourrait dire, paraphrasant Cyrano, ô, Dieu, bien des choses en somme. Ce que je trouve intéressant, percutant,  en fait dans cette interrogation vieille de... pfuiii... ma Terminale...  c'est son actualité. Plus précisément, l'actualité contenue dans ce tout petit mot : "trop". 
"Trop", c'est... un excès. Ou éventuellement, une façon de dire à quelqu'un "t'es génial/marrant/ original". Quand il s'agit d'excès, tout va bien quand on parle de trop manger, par exemple. mais... trop penser ? Trop s'impliquer ?  Trop s'engager ?  Cela veut dire quoi ? 
De plus en plus, cela signifie qu'il ne faut pas (trop) faire de bruit, (trop) se faire remarquer, (trop) pointer du doigt ce qui ne va pas ou s’enthousiasmer... Bref, un politiquement correct devenu socialement correct, où finalement il serait plus grave, par exemple de s'indigner contre - au hasard - des aberrations comme la "manif pour tous" qui appelle à la haine de l'autre, que  de tenter d'arrondir les angles. Il serait plus grave de manifester ouvertement son soutien à des personnes victimes d'actes homophobes ou transphobes (je continue dans la même thématique) que de ne rien dire. 

trop bizarre...
Le problème avec cette politique du rien, du pas de vague, c'est que cela finit par rendre aveugle. Et que le "trop" , en réalité "suffisant" ou "à peine suffisant", devient synonyme de "dangereux". "Trop" penser serait aujourd'hui simplement réfléchir, s'interroger, questionner. Même si ça fait mal. Même si ça fait peur. Même si ça fait honte, aussi. 
On me dit souvent que je suis une autrice engagée. Et dans ce constat, il y a parfois un "trop" qui traîne. Attention, danger, roman qui questionne. Et ben moi, j'ai l'impression que ce "trop" n'est hélas pas assez. Pas assez engagée. Sinon, je me bougerai les fesses dans des associations, je militerais, etc. Je n'en suis pas capable. Temps et tempérament. Envie certainement égoïste d'avoir une vie à moi. Alors, je fais ce que je peux. Et mes textes, ou simplement les anthologies/ recueils que j'ai pu réunir  ou auxquelles j'ai participé, sont ma manière à moi de bouger, questionner, agir. Ce n'est pas grand-chose, quand on y pense : des mots mis bout à bout, des histoires qui parlent d'amour (entre filles, mais pas seulement), d'ours polaires (et d'environnement), de cadres et de racisme, de femmes et de féminisme, de genre (soon), d'amitié, de l'autre/ monstre/ alter ego. 
Honnêtement, c'est presque rien. J'essaie juste de raconter des histoires qui ouvrent des portes, des fenêtres sur le/les mondes. Pas plus, pas moins que d'autres (je pense ici à La Symphonie des Abysses de Carina Rozenfeld ou au Ciel des machines, de Johan Héliot).
Et ce que je trouve si peu, ce qui me culpabilise - parce que je vis à la culpabilité, ce n'est pas une nouveauté - serait déjà "trop". 
Trop, parce que pas assez lisse. 
Trop, parce que pas assez neutre. 
Trop, parce que... parce que quoi, au juste ? Pas assez indifférent ? 
Je dois l'avouer, pourtant, la tentation de s'enfermer dans un cocon de socialement-correct est grande. pas seulement dans l'écriture (cf. cet article d'août), mais dans tout. Ne pas faire remonter certaines pétitions, ne pas hurler devant l'injustice, ne pas partager un article, etc. 
Ce serait plus commode. Plus adulte. 
Mais... je crois que ce n'est pas moi.
Première résolution pour 2015. 
Faire en sorte qu'il ne soit jamais possible de TROP penser...

2 commentaires:

  1. Le trop s'oppose au pas assez, comme il n'y a pas assez d'égalité ou de justice, je pense qu'il n'est jamais trop de le dire. Et "juste des mots mis bouts à bouts" c'est comme des coups de pinceaux les uns à côté des autres, des idées qui s'accumulent, des gens qui sont coude à coude dans une manif : c'est une action et malheureusement, il n'y a pas assez de gens comme toi, sinon on n'en serait pas à ce constat humain/planétaire.
    Donc ma première résolution 2015 : c'est de te dire CONTINUE !

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