Tu sais, je n’étais ni la seule ni la plus douée. Au début, je ne comprenais pas pourquoi je n’étais pas mieux traitée que mes condisciples et j’ai perdu beaucoup de temps à bouder. Ensuite, ma nature double a rendu mon apprentissage plus compliqué. Je comprenais plus vite que les autres et ce, de manière intuitive. Alors les règles, les rituels, ça ne m’intéressait pas ! Je me suis assagie avec les années et, lorsqu’est venu le temps des ultimes épreuves, celles qui devaient faire de nous les gardiens des rites de notre peuple et de l’Équilibre entre le visible et l’invisible, entre les hommes et les dieux, j’étais prête. Et puis…
Arkhane s’interrompit. Yeshet posa une main noueuse sur son bras.
— Ce qui s’est passé… Cette violence, cette haine, me paraissent tellement irréelles ! poursuivit-elle d’une voix étranglée. J’ai le sentiment que c’était un cauchemar, ou que cela s’est produit il y a
très longtemps, qu’une autre que moi en a été victime. La seconde suivante, je cligne des yeux : je m’aperçois que je suis devenue aveugle et sourde à l’autre côté du monde ; je me prends de plein
fouet ce corps, cette blessure qui me rappelle ce qui m’a été arraché. Alors, j’ai le vertige, la nausée, je tombe en morceaux…
Le griot se saisit de la pipe accrochée à son cou, la bourra d’herbes sèches et l’alluma. Un mince filet de fumée s’éleva dans la nuit, s’y dispersa.
— Je ne suis plus personne, Yeshet, reprit-elle doucement. J’ai volé en éclats.
Le Nyambe la contempla un moment, puis chanta.
Arkhane s’interrompit. Yeshet posa une main noueuse sur son bras.
— Ce qui s’est passé… Cette violence, cette haine, me paraissent tellement irréelles ! poursuivit-elle d’une voix étranglée. J’ai le sentiment que c’était un cauchemar, ou que cela s’est produit il y a
très longtemps, qu’une autre que moi en a été victime. La seconde suivante, je cligne des yeux : je m’aperçois que je suis devenue aveugle et sourde à l’autre côté du monde ; je me prends de plein
fouet ce corps, cette blessure qui me rappelle ce qui m’a été arraché. Alors, j’ai le vertige, la nausée, je tombe en morceaux…
Le griot se saisit de la pipe accrochée à son cou, la bourra d’herbes sèches et l’alluma. Un mince filet de fumée s’éleva dans la nuit, s’y dispersa.
— Je ne suis plus personne, Yeshet, reprit-elle doucement. J’ai volé en éclats.
Le Nyambe la contempla un moment, puis chanta.
Tu es la mort et la vie o-oo
Sur le chemin
Ouvre les yeux et avance
Sur le chemin
Tu es la mort et la vie o-oo
Là-bas, tu retrouveras ton ombre o-oo-a-oo-a
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire