Cela faisait un moment que je n'avais rien publié à propos de ma tribu et plus généralement des chevaux. A la suite d'une émission sur la psychiatrie animale (ici) et un article relayé par une amie sur le bien-être équin, j'ai envie de faire un point...
Le vocabulaire de l'élevage, des vétérinaires et des cavaliers est paradoxal : il considère à la fois le cheval comme un égal : il n'a pas des pattes mais des jambes, un museau mais un nez, un pelage mais une robe, etc., contrairement...à la chèvre, par exemple... (héritage, si l'on en croit Pastoureau, d'une époque où il est considéré comme un intermédiaire entre la terre et le ciel... ) et comme un objet puisqu'il parle de "prise d'état", de "modèle", de "jetage" (pour ne pas dire morve), qui tend au contraire à faire de lui soit "de la viande sur pattes-pardon, jambes" soit un "outil" de travail ou de concours.
Aujourd'hui, l'équitation évolue : heureusement, de plus en plus de structures équestres prennent en compte le bien-être de ses pensionnaires et s'efforcent d'avoir une approche respectueuse de ces derniers ; l'éthologie, et toutes ses autres dénominations, ont permis aux humains de prendre conscience que les chevaux sont des individus complexes, hypersensibles, capables de se déconnecter du monde pour ne plus souffrir (exemple du "bourrin" de club "qui tourne en rond tête basse et se prend des coups), capables de soigner, d'aimer... Aujourd'hui, il existe des diplômes d'éthologie et de droit équin (à la fac), de l'équi-thérapie où le cheval est un partenaire, et on arrive enfin à le considérer comme une personne (plus ou moins... pas parce que je n'y crois pas, mais parce que ce n'est pas non plus gagné, le spécisme a la peau dure).
Mais comme nous ne vivons pas dans un monde de Bisounours, à côté de ces belles avancées, il y a les traditions/cul de plomb "j'ai toujours fait comme ça donc surtout je ne bouge pas" , le marketing "oh, les cremello c'est trop beau jj'en veux un comme ça", la mafia des concours hippiques (mauvais traitements, clonages, naming) et la connerie née de notre société de consommation (qui s'étend à tous les animaux : "j'en ai marre de celui-ci j'en veux un neuf")...
Et le vocabulaire, lui, ne change pas. On continue à objectiver les chevaux par atavisme. Et encourager les comportements dégueulasses évoqués plus haut.
Je suis absolument persuadée qu'en modifiant notre vocabulaire, on peut renforcer cette approche éthique des chevaux et de l'équitation. Les mots sont après tout l'une des bases fondamentales de l'éducation. D'ailleurs (là, on atteint mon point Godwin perso à moi), c'est en féminisant les noms qu'on sensibilise les gens à l'égalité des genres et qu'on lutte contre le sexisme.
C'est une autrice assumée qui vous le dit.
Photo : Véronique Chérubin Venancio |
Et donc :
On ne dit pas "c'est un beau modèle, bien proportionné" mais "il beau et est bien proportionné/ elle est belle et bien proportionnée".
Un cheval n'est pas une voiture.
On ne dit pas "il/ elle a perdu de l'état" mais "il/ elle a perdu du poids (ou maigri)"...
Un cheval n'est pas un bout de viande.
Rien que ce genre de nuance pourrait commencer à changer la donne...
Photo : Zouina Cheval |
(Bien sûr, vous trouverez des gens qui ricaneront, évoqueront "un bon steak de cheval" ou simplement ne verront pas l'intérêt de changer leurs habitudes. Pas de souci! Avant de leur enfoncer votre poing dans la figure, parlez de leur enfant comme d'un "beau tendron" (expression désuète mais explicite) ou d'un "sacré morceau", demandez à votre ami/e sceptique si "elle/ sa mère/ compagne s'est fait refaire la carrosserie" (ben tiens, sexisme et spécisme, on y revient) et quand on évoque devant vous un licenciement, dites que c'est juste un "dégraissage"... Réaction garantie.
Et si ce n'est pas le cas, changez de fréquentation... )
j'aurais mis quelques mots de vocabulaire clé en gras pour qu'ils ressortent. Et par exemple alimentennt la plume de certain(e)s auteurs/trices :)
RépondreSupprimerDu genre ?
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