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samedi 25 avril 2015

Philosopher, c'est apprendre à...

Mourir ? Certainement, la sagesse, le recul, le calme, tout ça... Mais c'est  sinistre. Un brin péremptoire. Et surtout, très réducteur.
C'est en tous cas la conclusion à laquelle ma copine Julie et moi sommes arrivées après une discussion dans notre bar à chocolat préféré. Julie, comme moi, a une thèse de philo. Elle est danseuse. Moi j'écris. 
Parmi les lectures qui ont été essentielles à la construction de ma thèse et, je crois, de mes réflexions personnelles autour de la création et du rapport aux autres, il y a Jeu et réalité, de Winnicott (Sam, tu me le rends, dis ?). Dans cet essai, je résume sans filet, vous me pardonnerez les approximations, Winnicott s'intéresse aux liens existant entre l'individu et le monde - un monde qui se résume d'abord à sa mère ou son père, puis progressivement, à mesure que l'enfant prend conscience de lui-même, s'élargit aux autres... Là intervient ce qu'il nomme "aire intermédiaire d'expérience" : un espace neutre (le moi n'est pas en danger, du moins normalement pas), fait à la fois d'un ancrage individuel et d'une création "avec l'autre". En schématisant grossièrement : pendant l'enfance, c'est le jeu. Genre, cow-boys et indiens. Pendant l’adolescence, ça peut-être la musique (gothic style forever). A l'âge adulte, c'est la religion (soit...), l'art et... la philosophie. Une philosophie qui est donc partage et création (c'est là que ça devient drôle quand on réfléchit aux abstractions stériles de ceux qui s'enferment dans une pseudo-pensée pure). En schématisant moins, et parce que c'est en lisant un article sur le jeu de rôles que je me suis énervée toute seule (à propos, justement, des théories abstraites, arides, qui enferment au lieu d'ouvrir et donnent juste envie de fuir en courant), il me semble qu'il s'agit d'une illustration parfaite des théories de Winnicott, puisqu'il s'agit d'inventer une histoire à plusieurs, une histoire dont on est à la fois acteur et créateur, soi-même et autre, toujours avec - et dans des univers toujours différents. En donnant naissance à un personnage, à la fois autre et même (c'est un vieux chasseur de fantômes expert en latin, mais il l'interprète... avec ses tripes), le joueur entre dans cette "aire intermédiaire d'expérience", cet espace neutre riche en possibles, mène le temps d'une partie, d'une campagne, une autre vie et pousse donc au plus loin cette création partagée évoquée par le psychanalyste.
Mais j'en reviens à la philosophie (mes premières amours) et aux questions qu'elle pose, ou plutôt que nous nous sommes posées, mercredi, à son propos. 
Qu'est-ce qui fait qu'un domaine aussi riche en interrogations, en humanité(s), ait une telle aura d'inaccessibilité, voire d'hermétisme? Pourquoi, pour se dire philosophe, faut-il absolument se couper du monde et de la vie ? (ce qui passe aussi bien par une façon d'être que par un mode d'expression abscons ou une manière de considérer le reste du monde)... Et donc, finalement, dévoyer l'essence même de la philosophie.. Nous avons évoqué beaucoup de pistes, en fait : machisme, élitisme de mauvais aloi, opus dei (y en a...), frustration, peur, égoïsme et mégalomanie... Bref. la liste est longue. 
Mais nous en avons provisoirement conclu  que philosopher, c'est apprendre à... douter, aimer, vivre, pleurer, rire, s'émouvoir, s'ouvrir, réfléchir, s'intéresser, respecter, créer... Pourvu que le philosophe en question fasse autre chose que se regarder le nombril et ses idées - ou le nombril de ses idées!
C'est rire, aussi. Et se remettre en question. A ce propos, avant de vous quitter, un petit ouvrage que j'ai adoré, de Vinciane Desprets : Penser comme un rat... (de l'influence du jugement d'autrui sur l'éthologue chargé d'étudier un rat).

 

2 commentaires:

  1. Oui! et pour moi, ça veut aussi dire soutenir ceux et celles qui veulent rendre la philosophie accessible - à la télé, à la radio, dans les livres et dans les magazines, partout - de Philosophie Magazine aux Petits Platons, aux Nouveaux Chemins de la Connaissance et au blog Existential Comics... il y en aura encore qui diront que c'est trop élitiste, mais la lutte continue ;)

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