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vendredi 17 avril 2015

Fanny... en mai

Je tape le titre, et me rends compte que le roman débute au moi de mai... Sa sortie, elle, après maintes modifications, aura lieu le 29 de ce même mois, soit pendant les Imaginales.
Fanny, c'est quoi exactement ? L'histoire d'une jeune femme  - Fanny, donc - comédienne, abonnée aux rôles de jeune première au théâtre, aux personnages de victimes au ciné, qui rentre à Paris dans l'espoir de décrocher LE rôle de sa vie. Enfin, celui qui lui permettra de faire exploser les frontières des apparences... D'incarner Hermione, par exemple.Ou une tueuse à gages.


Une fois, j’ai passé six heures à demi nue, attachée à une chaise métallique, couverte de fausses plaies et de sang synthétique à hurler, me débattre et sangloter face à un tueur en série lent et méticuleux. (Fanny, 29 mai Milady Romans. Couverture de Patrick Imbert)
En attendant de passer l'audition, Fanny dépanne Tom, un copain metteur en scène qui a désespérément besoin d'une Célimène(pas si jeune première que ça, la belle de Molière)... et accepte d'aider son ex-meilleure amie de lycée décidée à se venger d'un sale type...
Premier extrait aujourd'hui : retrouvailles avec Sonia. 


Un instant plus tard, on tombe dans les bras l’une de l’autre. Je sens contre moi sa joue humide, je respire son odeur de vanille, me rappelle comme une évidence qu’elle a toujours aimé les fragrances sucrées. J’ai l’impression que les années qui nous ont séparées sont abolies, qu’on se retrouve après deux mois d’été.

— Tu descends où ? demande-t-elle, s’écartant légèrement de moi.

— Je change à Bastille.

— Moi, je n’habite pas très loin. Je connais un bar sympa, si tu as le temps, ajoute-t-elle après avoir hésité un instant.

J’acquiesce avec enthousiasme. J’ai besoin d’un verre, de décompresser. Et puis Sonia est la meilleure chose qui me soit arrivée de la journée. En dehors de la mini-robe, bien sûr. À Bréguet-Sabin, un accordéoniste et une fille aux mèches décolorées grimpent dans le wagon. Entament une Vie en rose à la fois hésitante et touchante. Sonia et moi, on échange un regard de connivence : cette chanson traversait Jeux d’enfants, l’un de nos films cultes au lycée. On adorait ces gamins cabossés, incapables de se dire « je t’aime », fous l’un de l’autre au point de vouloir mourir pour ne plus jamais être séparés. L’histoire ? Sophie, petite Polonaise malmenée par ses camarades, et Julien, dont la maman est gravement malade, deviennent amis le jour où le petit garçon lui offre une boîte à musique. Pour la récupérer, il accepte un gage. Et c’est ainsi que le jeu commence. L’objet passe de l’un à l’autre ; pour le reprendre, celui des deux qui ne l’a pas doit accepter de relever un défi. Des défis de plus en plus tordus, et de plus en plus ambigus à mesure qu’ils grandissent, se séparent, se retrouvent…. « Cap ou pas cap ? » Poétique et cruel, ce film nous arrachait, chaque fois, des sourires et des larmes. Combien de fois l’avons-nous regardé ? Vingt, trente fois ?

Je connaissais les répliques par cœur. Au point qu’à l’oral du bac j’avais décidé d’interpréter la déclaration de Sophie.

« Non, ne dis rien, c’est à moi de parler. Je t’ai manqué ? Parce que toi, tu m’as manqué. Enfin, c’est pas que tu m’as manqué, c’est que le temps n’était plus qu’une herse, un piège sans fin. T’es un vrai tyran, tu sais ? C’est tellement dur de te faire la gueule ! Mais je t’en veux quand même, hein ? Te fais pas d’illusions… »

Le prof, un type jeune, plutôt pas mal, avec des lunettes cerclées de métal et des yeux clairs, était resté interdit pendant quelques secondes. Puis s’était repris, m’avait invitée à jouer mon second extrait, tiré d’un classique. Il m’avait écoutée en silence avant de me demander pourquoi mon choix se portait sur des aveux décalés. Aucune des deux héroïnes ne confiait ses sentiments à celui qu’elle aimait. Était-ce par peur ? Pour éviter la confrontation ?

Je m’en suis tirée avec je ne sais quelle pirouette, mais ses questions n’ont jamais cessé de me hanter. Par intermittence, du moins.

Bastille. Les portes s’ouvrent. Vieille habitude de lycée : Sonia me prend par le bras et m’entraîne vers la sortie. Dans les couloirs, des odeurs artificielles de viennoiserie au beurre se mêlent à celles, moins agréables, de vieille urine, de transpiration âcre et d’eau de toilette bon marché. Rien de pire qu’à New York, mais je suis heureuse de grimper les escaliers et de me retrouver à l’air libre. 



2 commentaires:

  1. Très alléchant, cet extrait nostalgique et frais... Et je reconnais Paris d'ici, alors que c'est la campagne anglaise qui m'entoure.

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    1. c'est l'odeur du métro qui vient te chatouiller les narines!!!

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