Je n'avais pas l'intention d'écrire une lettre ouverte, au début. Ni une lettre tout court. Mais les événements des dernières semaines, et votre réaction quant à l'équitaxe, m'ont décidée. Monsieur le président, je suis une femme de gauche. De vraie gauche. Je suis aussi une femme engagée : je suis descendue dans la rue pour soutenir le mariage pour tous, je signe régulièrement des pétitions pour protester contre l'expulsion de personnes sans papiers et les livres que j'écris ne sont jamais neutres... Jamais. C'est ma façon de militer. Pour une réelle égalité homme-femmes. Pour le mariage pour tous, la PMA et l'adoption par des couples gays et lesbiens. Pour le respect de l'autre, qu'il soit parisien du 12ème ou manouche. Pour la préservation de l'environnement, et contre la souffrance animale - dans le programme, d'ailleurs, de Jean-Luc Mélenchon.
Je vous écris aujourd'hui, parce que je suis choquée par les assimilations que vous faites, parce que je trouve paradoxal de comparer les manifestations contre l'équitaxe, qui risquent de mettre plus de 6000 personnes au chômage, et de mener 80 000 équidés à l'abattoir, et les "manifs pour tous", qui sont le fait d'une frange odieuse de la population appelant à la discrimination et à la haine de l'autre (n'y a-t-il pas une loi, contre cela ? Ah, si... juste ici... et je ne comprends pas pourquoi ces individus n'ont pas été plus inquiétés que cela). Cette même frange odieuse de la population, d'ailleurs, qui traite l'une de vos ministres de "guenon" en utilisant une petite fille pour proférer ces horreurs racistes, sans qu'il y ait de réaction ferme et immédiate de votre part pour sanctionner ces propos et soutenir la Garde des Sceaux...
Voyez-vous, monsieur le Président, les centres équestres permettent à des centaines de milliers d'enfants et d'adultes de s'épanouir au contact d'un animal merveilleux, de pratiquer un sport qui allie la dépense physique, le partage, l'émotion, la découverte de soi et de l'autre. A travers les chevaux, à travers les différentes activités qu'ils proposent, les randonnées, par exemple, les centres équestres font le lien avec la nature - une nature souvent éloignée lorsqu'on est citadin. Le contact avec les chevaux donne la possibilité aux plus introvertis de s'épanouir, d'oser aller vers l'autre, équin comme humain et exige de tous patience et humilité. L'équithérapie, elle, permet aux personnes en situation de handicap, physique ou mental, de se sentir mieux, d'aller vers le monde, de progresser...
L'équitation, c'est une ouverture sur le monde, c'est un sport qui va vers la vie. Je suis sûre que si vous preniez la peine de visiter des centres équestres, vous le comprendriez. Et vous comprendriez qu'en nous comparant à ces extrémistes, vous nous insultez doublement.
Monsieur le président, comme je l'écrivais tout au début de cette lettre, je suis une femme de gauche - et vous n'étiez pas mon candidat. J'ai décidé de voter pour vous, au second tour, parce que je ne voulais pas d'un autre quinquennat de droite décomplexée, injuste, raciste et veule. J'ai décidé de voter pour vous, au second tour, parce que j'avais lu votre programme, et que vous y aviez finalement intégré des valeurs dans lesquelles je pouvais me reconnaître. Des valeurs réellement socialistes - humanisme, culture, éducation, égalité. Des valeurs dont je ne retrouve presque aucune trace dans votre politique, en dehors la loi sur le mariage pour tous, qui reste cependant trop timide (quid du statut des transgenres, de l'adoption, de la PAM ?).
En revanche, je retrouve dans votre politique actuelle de nombreuses similitudes avec celle de votre prédécesseur : indifférence envers l'environnement, vision économique à court terme, avec taxes croissantes et actionnaires toujours plus puissants, chasse aux pauvres et aux minorités, stigmatisation et traque des Roms, malgré les avertissements de Bruxelles, malgré les protestations de la ligue des Droits de l'homme, réduction du budget de la culture, augmentation de la TVA pour les écrivains (c'est vrai que nous sommes riches, nous autres auteurs... et si nous manifestions, serions-nous aussi assimilés à la "manif pour tous" ?), et j'en passe.
En revanche, je retrouve dans votre politique actuelle de nombreuses similitudes avec celle de votre prédécesseur : indifférence envers l'environnement, vision économique à court terme, avec taxes croissantes et actionnaires toujours plus puissants, chasse aux pauvres et aux minorités, stigmatisation et traque des Roms, malgré les avertissements de Bruxelles, malgré les protestations de la ligue des Droits de l'homme, réduction du budget de la culture, augmentation de la TVA pour les écrivains (c'est vrai que nous sommes riches, nous autres auteurs... et si nous manifestions, serions-nous aussi assimilés à la "manif pour tous" ?), et j'en passe.
Votre politique, monsieur le Président, n'est pas différente de celle de Nicolas Sarkozy.
A cause de cela, je sais que des milliers d'électeurs "déçus du sarkozysme", ne voteront plus socialiste, puisqu'ils assimilent ce que vous faites depuis votre élection à une politique "de gauche", ouvrant grand la porte à l'UMP et à l'extrême-droite.
Alors, monsieur le Président, je sais que vous n'êtes pas à un paradoxe près, mais quand vous nous renvoyez dos à dos avec Frigide Barjot et ses amis, alors que vous les tolérez, alors que votre politique est bien plus proche de celle qu'ils plébiscitent que de celle que les vrais gens de gauche souhaitent, j'ai à la fois envie de rire et de hurler.
Monsieur le président, je ne vous salue pas. Vous m'en excuserez : il faut que j'aille manifester.
Charlotte Bousquet
Auteure et cavalière, féministe et LGBT friendly.
Espérons, parce que je suis malgré tout et fondamentalement optimiste...
RépondreSupprimerje n'avais pas vu qu'"il" avait osé cette comparaison inique et insultante.
C'est vrai qu'ils donnent l'impression que le monde n'existe qu'à travers les lunettes déformantes d'un PS complètement enfermé dans sa tour d'ivoire, coupé de la vraie vie depuis des lustres, qui reste sur des schémas sociaux d'un autre âge, dans le cas présent celui où cheval = aristocratie= équipages et guêtres boutonnées
Fanny
Ta lettre est superbe, Charlotte.
RépondreSupprimerDigne de celle de Boris Vian, dans la VO censurée qu'il a accepté d'édulcorer.
Argumentation très complète et imparable.
Et la chute : géniale !
Bravo
Amicalement
GE
Bonjour Charlotte Bousquet,
RépondreSupprimerNous avons trouvé que se moyen là pour vous parler.Nous sommes des élèves du collège Le Ferronay (5ème) et nous participons au "festival du livre" et nous voudrions avoir des informations sur "Rouge Tagada" votre livre le plus récent, sur votre vie, ce que vous aimez...etc. Merci de nous répondre :)
Cordialement
Des élèves du collège Le Ferronay.
Bonjour, chers élèves du collège du Ferronay ! Vous pouvez m'envoyer un email, je vous recontacterai avec plaisir!
RépondreSupprimerBonjour Charlotte Bousquet,
SupprimerExcuser nous du retard,nous avons oublié que l'on vous avez envoyer ce message. Nous sommes encore vraiment désolé. Veuillez accepter nos plus sincère excuse. Nous serions Heureux de vous contacter mais nous ne connaissons pas votre adresse email !
Cordialement
Les élèves du collège Le Ferronay ! :)
PS:Nous avons lu votre livre "Noire Lagune" et nous l'avons vraiment appréciés ! :)
Vous pouvez me contacter via la page "contact de mon site". http://www.charlottebousquet.com/Accueil.html
RépondreSupprimerMerci ! :)
RépondreSupprimerLes élèves du collège Le Ferronay ! :)