C'est l'histoire d'une courtisane, une fille blonde, jolie, ambitieuse, langoureuse... C'est l'histoire d'une fille qui couche pour arriver et finit par mourir d'une maladie vénérienne. C'est l'histoire d'un couple bouffé par l'alcool, de fleurs qui cachent au sein de leurs corolles de la nécrophilie, des meurtres et des nuits orgiaques. C'est l'histoire d'une femme sèche, méchante qui pas après pas détruit la vie des autres... C'est l'histoire de deux gamins qui s'aiment malgré leurs familles, passent une nuit merveilleuse ensemble par amour et se tuent. Zola, Baudelaire, Balzac et Shakespeare sont étudiés en classe : ils ont bien de la chance d'être morts depuis un bail. Sinon, nul doute que leurs ouvrages aient été déconseillés aux adolescents... Je suis un peu ironique, peut-être ? Ben oui. Aujourd'hui, oui, je le suis.
Comme tout écrivain, j'ai tendance à jeter régulièrement un œil sur les chroniques dédiées aux romans que j'écris. Or, je lis des : "en raison de scènes assez violentes, je déconseillerai aux moins de 15 ans" à propos de Nuit tatouée, ou "comme la langue est un peu difficile, je ne conseillerai qu'à de très bons lecteurs" (plusieurs romans) et, plus récemment, "il aurait vraiment fallu que Charlotte Bousquet se mette à la portée de
son jeune public et explique avec un langage beaucoup moins sophistiqué,
l’époque dans laquelle elle plonge sa jeune héroïne" (sic Blue Moon, qui écrit une chronique fort gentille au demeurant), à propos de Venenum, qui n'est pas un roman spécifiquement jeunesse (la collection Courants noirs est trans/âge) mais plutôt jeunes adultes - et encore, cela voudrait dire qu'on ne peut à 13 ans lire Les trois Mousquetaires ou Cyrano, ou pour du plus contemporain mais de cape et d'épée, l'excellente trilogie Wieldstadt de Pevel... Ou ses Lames du cardinal, qui ont au passage reçu le prix Imaginales des Lycéens. Comme Pierre manie le passé simple avec une dextérité qui me coupe le souffle, je doute que son texte soit d'une simplicité enfantine...
J'en reviens à mon nombril : Nuit tatouée a reçu le Prix Imaginales des collégiens 2012.Cela peut paraître un peu crétin de confier cela mais quand j'ai appris la nouvelle, j'en ai été très émue... et très fière. parce qu'il y avait une sacrée concurrence (Marcastel, Lebeau, etc.). Et parce que Nuit tatouée parle de... Cyrano de Bergerac, Othello, Oedipe, parce que la langue n'est pas simple (avec une héroïne nourrie au théâtre dès le biberon...) et parce que oui, c'est un univers violent...
Ça veut dire que les adolescents et + sont bien moins sensibles que les adultes qui se chargent de conseiller ou non des romans, et surtout bien plus mûrs, intelligents, curieux et réceptifs que ce que l'on croit. Ça veut dire aussi qu'il y a une sorte dichotomie entre la littérature classique prescrite à l'école et la littérature contemporaine destinée aux adolescents et plus. Au passage, même si c'est indéniablement commercial, c'est l'une des raisons pour lesquelles j'ADORE la catégorie "young adults", qui brise heureusement les frontières entre jeunesse et adulte, ados et adultes...
Après, moi-même, j'ai tendance à déconseiller ou conseiller des romans selon l'âge du ou de la lectrice(eur). Il me semble évident que je ne mettrai pas Arachnae dans les mains d'un gamin de 11 ans. Mais j'ai rencontré une lectrice, l'an dernier, à Montreuil - Sarah, je crois - qui n'avait que 12 ans et avait adoré Noire lagune. Bien sûr, Venenum s'adresse plus aux jeunes adultes, à ceux qui connaissent un peu Descartes, etc. Mais je ne vois pas pourquoi quelqu'un de plus jeune ne pourrait pas le lire si le sujet l'intéresse! Quand j'avais 13 ans, mes parents m'avaient mise en garde sur Un amour de Swann, pensant que j'étais peut-être un peu jeune. Ben je me suis précipitée dessus et l'ai lu en quinze jours. Cela ne m'empêchait pas de lire des Haute tension (là, je vous confie des secrets honteux) en parallèle. On a tous tendance, je crois, selon notre propre vécu ou parfois par peur de choquer, décevoir, être malhonnête (surtout en salon), à sous-estimer les lecteurs.
Les ados que j'ai pu rencontrer jusqu'ici m'ont prouvé que c'était un tort.
Et, avant de conseiller ou déconseiller tel ou tel roman, je crois qu'on devrait tous se rappeler quel lecteur, quelle lectrice on était - et se demander à qui on s'adresse vraiment, non à qui on croit devoir s'adresser.
Félicitations, Charlotte :-)))
RépondreSupprimerEt continue à écrire des livres bien compliqué au passé simple ! Quand je vois les Enyd Blyton qu'on retraduits au présent, je suis horrifiée (après, certains passages de des anciennes trads étaient assez nuls aussi...)
ça me rappel des adultes ne voulant pas de "Croquemitaines" parce que ça fait peur aux enfants. A par ça Grimm avait signé avec Disney pour qu'au jour de sa mort tout ses contes soit expurgés de violence ou autre. Et encore, les premiers dessins animés Disney était moins insipide. Mais toujours est-il qu'après avoir travaillé avec des maternelles et des CP sur les monstres et les croquemitaines... Ils adorent. Donc je comprend la situation et d'autent le prix collégiens qui est un prix directement du lecteur. Génial, et re bravo !
RépondreSupprimerMerci, tous les deux!Eh oui, il y a souvent une grande différence entre ce que les gens croient être "pour" ou "pas pour" est ce qui est...
RépondreSupprimerBonjour, comme l'on mentionne mon nom, je vais un peu mieux m'expliquer : s'agissant de déconseiller un roman pour cause de trop de violence, ça c'est totalement absurde, déjà, certains devraient aller voir ce qui se passe dans une cour de récréation et l'évolution depuis trente ans. J'ai moi-même été alors âgée de sept ans, convoquée par la directrice car je lisais "la femme du boulanger" et l'on me l'a confisqué en me disant que c'était un roman immoral... (d'accord c'était il y a quarante-deux ans, peut-être de nos jours me féliciterait-on car au moins je lis !) J'ai déjà écrit que votre roman est excellent, donc je ne reviendrai pas sur ses qualités. En fait, l'année dernière j'ai vu en public la pièce filmée "l'école des femmes" version donc Adjani/Blier...il y avait une classe "normale" d'ado de 15 ans. J'ai entendu distinctement certains (une majorité) se plaindre qu'ils ne comprenaient rien... rien du tout. Il leur manquait la moitié du vocabulaire. C'est bien plus difficile pour eux de lire Dumas, Zola pourtant que je trouvais à mon adolescence parfaitement accessibles, tout simplement parce que ce langage je le connaissais et même le parlais. Pour moi, écrire votre roman dans un langage plus simple aurait permis que bien plus d'adolescents puissent l'apprécier, et ce même à douze ans, car je trouve que les thèmes comme les aventures, sont destinés à de jeunes ados également !
RépondreSupprimerMerci beaucoup pour cette réponse, Marnie. je sais bien qu'il y a des ados, mais aussi des adultes qui n'ont pas forcément plus de vocabulaire que ça... Cela étant, et comme me le disait une libraire de Virgin aujourd'hui les ados lisent de nouveau, et pas nécessairement des romans avec du vocabulaire simple ni des trucs qui les "chouchoutent"... Après, est-ce que cette classe "normale" l'était tant que cela ? Pas sûre, pour avoir vu des Othello, Avare et autres auxquels assistaient des scolaires, qui étaient plutôt très attentifs et ravis. :)
RépondreSupprimerJe me souviens m'être un jour disputée à propos d'un ouvrage de Neil Gaiman pour la jeunesse : Des loups dans les murs. Il peut certes être un peu effrayant au début pour un jeune public, mais je trouvais cette peur "saine". Elle fait relativiser, en quelque sorte, car les loups ne sont finalement pas si effrayants et ont même peur des humains.
RépondreSupprimerJe trouve que c'est un ouvrage intelligent, qui montre une autre facette du monde aux enfants, mais je me suis fait rétorquer que n'étant pas mère, je ne savais pas...
Bon, peut-être... Mais le degré de maturité est différent pour chacun. On a toujours le choix de refermer un livre qui nous dérange, peu importe l'âge qu'on a.
J'ai lu, à des âges auxquels on les aurait certainement déconseillés, des ouvrages effrayants, compliqués ou pas forcément très moraux. Certains m'ont été utiles, d'autres non, mais je n'ai pas vraiment le souvenir d'avoir été au-delà des limites qui étaient les miennes à l'époque. Et pourtant...
Sinon, pour en arriver à autre problème qui est celui du langage, pourquoi les jeunes feraient-ils l'effort d'enrichir leur vocabulaire si on fait toujours en sorte qu'ils n'en aient pas besoin ?
Il y a de la marge entre se mettre à la portée de ses lecteurs et leur mâcher la lecture. Ce ne serait ni leur rendre service ni avoir une très bonne opinion d'eux.
"comme la langue est un peu difficile, je ne conseillerai qu'à de très bons lecteurs" ... ça veut dire "surtout les gars, ne progressez pas, continuez à parler et à écrire le français pire que les mecs du moyen-âge"... ça me laisse sans voix.
RépondreSupprimerEn tout cas moi je dis : la violence on en a tous les jours dans la vraie vie, au moins dans les bouquins elle est juste évoquée, pousse à réfléchir et ne fait pas de mal. Lisez les bouquins de Charlotte, vous y développerez votre imagination et votre intelligence (sans parler de votre vocabulaire et de vos capacités orthographiques :)).
Bisoux et bravo à toi Charlotte !
Estelle, je ne pense pas que c'était l'intention de Marnie! Et puis même si c'est sa chronique qui m'a fait tilter, mon blog avait pour objectif de mettre le doigt sur le fait qu'on sous-estime les ados/ les lecteurs de manière générale,et qu'on n'est jamais exempt quelque part d'avoir les mêmes réflexes, alors qu'il faut je crois au contraire tirer les gens vers le haut...
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