Comme vous le savez, il m'arrive régulièrement de laisser place aux ciopains qui ont envie de s'exprimer sur ce blog. Hier, Thomas est allé manifester. S'est fait fouiller. Arrêter. Menotter. Et encore, il avait juste un masque de protection, lui. Pas de sérum physio. Voici son témoignage.
Récit d’une manifestat… d’une interpellation. 13H52, je sors du métro Sully. Gonflé à bloc, je m’apprête à déguster un sandwich quand surgissent quatre CRS. « Contrôle du sac ». Ce à quoi je rétorque benoitement « pour quelleraison ? ».
C’est idiot, non ? Parce qu’aucune raison valable ne m’est avancée – mais je me soumets néanmoins. Ne serait-ce que pour avoir la paix. Et que trouvent-ils dans mon sac ? Un masque de protection, comme ceux qu’en portent les peintres en bâtiment.
« C’est quoi, ça ? »
« Bah un masque de protection, au cas où ça tire des lacrymogènes ».
« Bon, interpellation. »
Tout simplement, je me retrouve immobilisé, clef de bras, une main sur l’épaule, menottes passées, le tout sous le regard des passants peu rassurés. À mes demandes incessantes (« mais c’est rien qu’un masque, quoi ! ») on me rétorque un très frais : « vous n’avez qu’à dire ça au collègue qui s’est pris un coup de machette. »
« De machette ? Vous en voyez une, de machette ? »
Si vous l’ignorez, sachez que les menottes de rétention sont prévues pour faire mal. Plus vous bougez, plus c’est douloureux. Or, je m’agite pas mal, ne serait-ce que pour parler à mes geôliers, à qui je décline nom, adresse, après la palpation et les nombreuses allusions à mon second métier : « casseur » (j’ai horreur de ce mot – il réduit la dimension militante aux « bons » militants, qui défilent et aux « mauvais » militants, qui ont d’autres arguments, plus… percutants). Une heure et demie à observer les fouilles sur le trottoir. Au bilan : un jeune couple interpellé pour possession d’une trousse de secours (jetez des compresses avec votre pavé !) ; un monsieur tout traumatisé menotté pour détention de sérum physiologique ; un orga des jeunesses communistes, également pour du matériel de soins – sa section d’ados militants s’est passée de lui durant le cortège ; un vieil activiste, pour une bombe lacrymo oubliée dans son sac – lui, si une grenade explose à moins de dix mètres, sa barbe s’embrase ; etc. etc. Voilà 7 des 95 interpellations comptabilisées ce jour. Lorsqu’on m’a passé le serflex, j’ai pu dégager l’une de mes mains – je leur ai montrée, pour rien, comme ça, pour le délire. Ils l’ont resserré de suite, à fond. J’en ai encore les mains ankylosées. Il y a eu une relève, les CRS suivants étaient… Moins conciliants.
« Regardez devant vous ! »
« Silence, on ne parle pas ! »
« Devant vous, j’ai dit ! »
Du coup, nous avons beaucoup bavardé en regardant passer les gens (surtout les filles, pour ma part). Qu’attendions-nous ? Le véhicule qui nous emmena dans un commissariat du 18 e arrondissement. Même les agents de police au volant ne savaient pas ce qu’elles faisaient ici. Idem au commissariat. À l’officier qui prenait mon identité, j’ai dit ceci :
« Je suis confus pour vous. Vous devez avoir tant d’autres choses importantes à faire. »
Il a eu un petit sourire et une légère crispation. Il ne m’a rien dit, m’a rendu mes affaires et, après un stage en « zone de transit », ma liberté. Quand j’ai quitté cette zone, un bus d’interpellés arrivait, ainsi qu’un fourgon. D’autres CRS ont eus des mots, sur notre passage :
« Fallait pas voter comme ça ! »
« À Mardi ! »
« Bonjour ! » (Là, j’avoue que je ne comprends pas bien).
1H30 sans boire, debout ou presque, sous le regard des passants.
Voilà le droit de manifester façon Valls, Cazeneuve et Hollande : dans les clous. Sans moyen de se prémunir des gaz lacrymogènes, des charges de CRS, des projectiles « défensifs ». Voici la liberté de circulation nouvelle version : sous contrainte. Pour manifester, dorénavant, appréciez les parcours fléchés, les interdictions de posséder de quoi survivre, les interdictions, les menottes et les coups de menton des politiques. Ils voulaient pacifier les foules, rassurer la société ? Ils ont maté les premières et foutu en rogne la seconde.
Valls, à Mardi mon chou !
C’est idiot, non ? Parce qu’aucune raison valable ne m’est avancée – mais je me soumets néanmoins. Ne serait-ce que pour avoir la paix. Et que trouvent-ils dans mon sac ? Un masque de protection, comme ceux qu’en portent les peintres en bâtiment.
« C’est quoi, ça ? »
« Bah un masque de protection, au cas où ça tire des lacrymogènes ».
« Bon, interpellation. »
Tout simplement, je me retrouve immobilisé, clef de bras, une main sur l’épaule, menottes passées, le tout sous le regard des passants peu rassurés. À mes demandes incessantes (« mais c’est rien qu’un masque, quoi ! ») on me rétorque un très frais : « vous n’avez qu’à dire ça au collègue qui s’est pris un coup de machette. »
« De machette ? Vous en voyez une, de machette ? »
Si vous l’ignorez, sachez que les menottes de rétention sont prévues pour faire mal. Plus vous bougez, plus c’est douloureux. Or, je m’agite pas mal, ne serait-ce que pour parler à mes geôliers, à qui je décline nom, adresse, après la palpation et les nombreuses allusions à mon second métier : « casseur » (j’ai horreur de ce mot – il réduit la dimension militante aux « bons » militants, qui défilent et aux « mauvais » militants, qui ont d’autres arguments, plus… percutants). Une heure et demie à observer les fouilles sur le trottoir. Au bilan : un jeune couple interpellé pour possession d’une trousse de secours (jetez des compresses avec votre pavé !) ; un monsieur tout traumatisé menotté pour détention de sérum physiologique ; un orga des jeunesses communistes, également pour du matériel de soins – sa section d’ados militants s’est passée de lui durant le cortège ; un vieil activiste, pour une bombe lacrymo oubliée dans son sac – lui, si une grenade explose à moins de dix mètres, sa barbe s’embrase ; etc. etc. Voilà 7 des 95 interpellations comptabilisées ce jour. Lorsqu’on m’a passé le serflex, j’ai pu dégager l’une de mes mains – je leur ai montrée, pour rien, comme ça, pour le délire. Ils l’ont resserré de suite, à fond. J’en ai encore les mains ankylosées. Il y a eu une relève, les CRS suivants étaient… Moins conciliants.
« Regardez devant vous ! »
« Silence, on ne parle pas ! »
« Devant vous, j’ai dit ! »
Du coup, nous avons beaucoup bavardé en regardant passer les gens (surtout les filles, pour ma part). Qu’attendions-nous ? Le véhicule qui nous emmena dans un commissariat du 18 e arrondissement. Même les agents de police au volant ne savaient pas ce qu’elles faisaient ici. Idem au commissariat. À l’officier qui prenait mon identité, j’ai dit ceci :
« Je suis confus pour vous. Vous devez avoir tant d’autres choses importantes à faire. »
Il a eu un petit sourire et une légère crispation. Il ne m’a rien dit, m’a rendu mes affaires et, après un stage en « zone de transit », ma liberté. Quand j’ai quitté cette zone, un bus d’interpellés arrivait, ainsi qu’un fourgon. D’autres CRS ont eus des mots, sur notre passage :
« Fallait pas voter comme ça ! »
« À Mardi ! »
« Bonjour ! » (Là, j’avoue que je ne comprends pas bien).
1H30 sans boire, debout ou presque, sous le regard des passants.
Voilà le droit de manifester façon Valls, Cazeneuve et Hollande : dans les clous. Sans moyen de se prémunir des gaz lacrymogènes, des charges de CRS, des projectiles « défensifs ». Voici la liberté de circulation nouvelle version : sous contrainte. Pour manifester, dorénavant, appréciez les parcours fléchés, les interdictions de posséder de quoi survivre, les interdictions, les menottes et les coups de menton des politiques. Ils voulaient pacifier les foules, rassurer la société ? Ils ont maté les premières et foutu en rogne la seconde.
Valls, à Mardi mon chou !
les terroristes au masque respiratoire, c'est les pires : ils veulent survivre.
RépondreSupprimerJe suis abasourdie, merci pour ce témoignage, c'est essentiel pour moi, provinciale qui n'a que les médias : votre article éclaire grandement ce chiffre étonnant de 95 interpellés...
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